Les CIK
dimanche 16 décembre 2012
L’organisation du prolétariat en dehors des périodes de luttes ouvertes (groupes, noyaux, cercles. etc.)
Nous avons trouvé ce texte du vieux* Courant Communiste
International (CCI) qui, partant d’un point de vue anticapitaliste et cela va
de soi internationaliste, tente de répondre à la question de Que
faire en dehors des luttes ouvertes? Le texte mentionne les comités, cercles, groupes, noyaux,
etc. Nous pourrions aussi mettre
Assemblée populaire Autonome de Quartier ou ville.
L’expérience, les acquis et erreurs de prolétaires en
Europe ne peuvent qu’aider les prolétaires du monde entier. Pour l’histoire, il
y a eu des conseils ouvriers en Allemagne, en Autriche, en Hongrie et en
Russie. Au Canada, il y a eu une forme de conseil à Winnipeg en 1919 et une
amorce de conseil à Sept-Îles en 1972 lors de la lutte du Front Commun. Ces
conseils ouvriers représentaient un niveau de conscience politique beaucoup plus
élevé que les Assemblées populaires Autonomes actuelles il va s’en dire. Les
conseils ouvriers étant de futurs organes de la dictature du prolétariat. À
terme la mise sur pied de conseils au niveau mondial aboutira à un échec s’il
n’y a pas un parti international et internationaliste. Le
rôle de ce parti ne sera pas de prendre le pouvoir au nom de la classe ouvrière
mais de participer à l’unification et à l’extension de ses luttes ainsi qu’à
leurs contrôles par les ouvriers eux-mêmes, et à la diffusion du programme
communiste afin de conscientiser le prolétariat en classe pour soi. Seule la
classe ouvrière dans sa totalité, à travers ses propres organes autonomes, par
exemple les conseils ouvriers, peut instituer le socialisme. Cette tâche ne
peut être déléguée, même pas au Parti de classe le plus conscient. Position 10 de bases des Communistes Internationalistes
Klasbatalo.
*Nous écrivons vieux CCI parce que depuis le début des années 2000,
cette organisation a rejeté dans les faits le regroupement des forces
révolutionnaires internationalistes anticapitalistes en s’accoquinant avec des
groupes anarchistes.
Les CIK
Les CIK
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L’organisation du prolétariat en dehors des périodes de
luttes ouvertes (groupes, noyaux, cercles. etc.)
Les caractères gras ci-dessous sont de Klasbatalo.
Ce texte a été proposé pour
le Congrès d'Internationalisme (janvier 1980).
Réédité dans la Revue Internationale
le 28 Juillet, 2006
"Que faire en dehors des
luttes ouvertes? Comment s'organiser lorsque la grève est terminée? Comment
préparer la lutte à venir?"
Voilà quelques unes des questions
auxquelles la maturation actuelle de la lutte de classe impose de répondre.
Face à cette question, face
aux problèmes que posent les comités, cercles, groupes, noyaux, etc.,
regroupant de petites minorités d'ouvriers, nous n'avons aucune recette à
fournir. Entre les leçons morales ("organisez vous comme ceci ou
cela", "dissolvez-vous", rejoignez-nous") et les flatteries
démagogiques, nous n'avons pas à choisir. Notre souci est bien plutôt celui-ci
: comprendre ces expressions minoritaires du prolétariat comme une partie d'un
tout. Les insérer dans le mouvement général de la lutte de classes, de cette
manière nous pourrons comprendre à quelles nécessités générales ces organes
répondent. De cette manière nous pourrons également, en ne restant ni dans le
flou politique ni emprisonnés dans des schémas rigides, cerner les aspects
positifs de ces démarches et souligner les dangers qui les guettent.
CARACTERISTIQUES DE LA LUTTE
OUVRIERE DANS LE CAPITALISME DECADENT
Notre première préoccupation
dans l'appréhension de ce problème doit être de rappeler le contexte historique
général dans lequel nous nous trouvons. Nous devons nous remettre en mémoire la
nature de cette période historique (l'ère des révolutions sociales) et les
caractéristiques de la lutte de classe en période décadence. Cette
analyse est fondamentale car elle nous permet de comprendre le type
d'organisation de classe qui peut exister dans une telle période.
Sans entrer dans les détails,
rappelons simplement que le prolétariat au 19ème siècle existe comme un une
force organisée de manière permanente. Le prolétariat s'unifie comme classe au
travers d'une lutte économique et politique pour des réformes.
Le caractère progressif du
système capitaliste permet au prolétariat de faire pression sur la bourgeoisie
pour obtenir des réformes et pour ce faire regrouper de larges masses
d'ouvriers au sein des syndicats et des partis.
Dans la période de sénilité du
capitalisme les caractères et les formes d'organisation de la lutte changent.
Une mobilisation quasi permanente du prolétariat sur des intérêts immédiats et
politiques n'est plus possible ni viable. Les organes unitaires
permanents de la classe ne peuvent plus désormais exister qu'au cours de
la lutte elle-même. La fonction de ces organes ne se limite
plus désormais à simplement "négocier" une amélioration des
conditions de vie du prolétariat (car cette amélioration n'est plus possible à
long terme et parce que la seule issue réaliste est celle de la révolution)
mais à se préparer, à mesure que les luttes de développent, à la
prise du pouvoir.
Ces organes unitaires de la
dictature du prolétariat ce sont les conseils ouvriers. Ces organes
possèdent un certain nombre de caractéristiques que nous devons mettre en
évidence si nous voulons bien cerner tout le processus qui mène à
l'auto-organisation du prolétariat.
Ainsi nous devons mettre en
évidence que les conseils sont une expression directe de la lutte ouvrière. Ils
surgissent de manière spontanée (mais non mécanique) de cette lutte. C'est
pourquoi ils sont intimement liés au développement et à la maturité de cette
lutte, ils puisent en elle leur substance et leur vitalité.
Ils ne constituent donc pas une simple "délégation" des pouvoirs, une
parodie de Parlement, mais bien l'expression organisée de l'ensemble du
prolétariat et de son pouvoir. Leur tâche n'est pas d'organiser une
représentativité proportionnelle des groupes sociaux ou des partis politiques
mais de permettre à la volonté du prolétariat de se réaliser pratiquement.
C'est à travers eux que se prennent toutes les décisions. C'est pour cette
raison que les ouvriers doivent constamment en garder le contrôle (révocabilité
des délégués) par le biais des Assemblées Générales.
Seuls les conseils ouvriers
sont capables de réaliser l'identification vivante entre la lutte immédiate et
le but final des luttes. Par cette liaison entre la lutte pour des intérêts
immédiats et la lutte pour le pouvoir politique, les conseils posent
la base objective et subjective de la révolution. Ils constituent le creuset
par excellence de la conscience de classe. La constitution du prolétariat en
conseils n'est pas une simple question de forme d'organisation mais bien le
produit d'un développement de la lutte elle-même et de la conscience de classe.
Le surgissement des conseils n'est pas le fruit de recettes
organisationnelles, de structures préfabriquées, d'organes intermédiaires.
L'extension et la
centralisation de plus en plus consciente des luttes, au delà des usines et des
frontières, ne peut 'être un fait artificiel et volontariste. Pour se
convaincre de cette idée, il suffit de se rappeler l'expérience des ANU ([1])
et cette tentative artificielle de relier et de centraliser les
"organisations d'usines" dans une période où la lutte refluait.
Les conseils ne peuvent
subsister que tant que subsiste une lutte permanente, ouverte, signifiant la
participation d'un nombre toujours plus important d'ouvriers dans le combat.
Leur surgissement est essentiellement fonction d'un développement de la lutte
elle-même et de la conscience de classe.
TENTER DE COMBLER UN VIDE
Mais nous ne nous trouvons pas
encore dans une période de lutte permanente, dans un contexte révolutionnaire
qui permettrait au prolétariat de s'organiser en conseils ouvriers. La
constitution du prolétariat en conseils est fonction de conditions objectives
(degré de la crise, cours historique) et subjectives (maturité de la lutte et
de la conscience). Elle est le résultat de tout un apprentissage, de toute une
maturation tant organisationnelle que politique.
Nous devons être conscients que cette maturation, cette
fermentation politique ne se déroule pas suivant une ligne bien dessinée et
bien droite. Elle s'exprime bien plutôt à travers un processus bouillonnant et
confus, à travers un mouvement heurté et saccadé. Elle exige en outre une
participation active de minorités révolutionnaires. Incapable d'agir
mécaniquement selon des principes abstraits, selon des plans préconçus, selon
un volontarisme détaché de la réalité, le prolétariat mûrit son unité et sa
conscience au cours d'un apprentissage douloureux. Incapable de regrouper
toutes ses forces à un jour "J", il concentre ses rangs au cours de
la bataille elle-même, son "armée", il la forme dans le conflit
lui-même. Mais au cours de la lutte, il forme dans ses rangs des éléments plus
combatifs, des avant-gardes plus décidées. Celles-ci ne se regroupent pas
forcément au sein d'une organisation de révolutionnaires (car celle-ci dans
certaines périodes est peu connue). L'apparition de ces minorités combatives au
sein du prolétariat, que ce soit avant, après ou pendant les luttes ouvertes,
n'est pas un phénomène incompréhensible ou nouveau. Elle exprime bien ce
caractère irrégulier de la lutte, ce développement inégal et hétérogène de la
conscience de classe. Ainsi depuis la fin des années 60 nous assistons à la
fois à un développement de la lutte dans le sens d'une plus grande
auto-organisation, à un renforcement des minorités révolutionnaires, à
l'apparition de comités, noyaux, cercles, etc. où tente de se regrouper une
avant-garde ouvrière. Le développement d'un pôle politique cohérent, la
tendance du prolétariat à s'organiser en dehors des syndicats, procèdent d'une
même maturation de la lutte.
L'apparition de ces comités
cercles etc, répond donc bien à une nécessité de la lutte elle-même. Si des
éléments combatifs sentent la nécessité de rester groupés après qu'ils aient
lutté ensemble, c'est à la fois dans le but de continuer à "agir
ensemble" (éventuellement préparer une nouvelle grève) et à la fois dans
le but de tirer des leçons de la lutte (à travers une discussion politique). Le
problème qui se pose à ces ouvriers est autant celui de leur regroupement en
vue d'une action future que celui de leur regroupement en vue d'éclaircir
les questions posées par la lutte passée et à venir. Cette attitude est
compréhensible dans la mesure où l'absence de luttes permanentes, la
"faillite" des syndicats et une très grande faiblesse des
organisations révolutionnaires créent un vide tant organisationnel que
politique. La classe ouvrière lorsqu’elle reprend le chemin de son combat
historique a horreur du vide. Elle cherche donc à répondre à un besoin posé par
ce vide organisationnel et politique. Ces comités, noyaux, ces minorités
d'ouvriers qui ne comprennent pas encore clairement leur fonction répondent à
ce besoin. Ils sont à la fois une expression de la faiblesse générale de la
lutte de classe actuelle et l'expression d'une maturation de l'organisation
et de la conscience de classe. Ils cristallisent tout un travail
souterrain qui s'opère au sein du prolétariat.
LE REFLUX DE 1973-77
C'est pour cette raison que
nous devons faire attention à ne pas enfermer ces organes dans des tiroirs
hermétiques, dans des classifications rigides. Nous ne pouvons pas prévoir
l'apparition et le développement de ceux-ci de manière tout à fait précise. De
plus nous devons être attentifs à ne pas séparer artificiellement différents
moments dans la vie de ces comités et ne pas poser a un faux dilemme dans le
style :"l'action ou la discussion."
Ceci dit cela ne doit pas nous
empêcher d'avoir une intervention par rapport à ces organes. Nous devons
également être capables d'apprécier l'évolution de ces organes en fonction de
la période, suivant que nous nous trouvons dans une période de reprise
des luttes ou de reflux. En effet, dans la mesure où ils sont un produit
immédiat et spontané des luttes, qu'ils surgissent plus sur la base de
problèmes conjoncturels (à la différence de l'organisation des révolutionnaires
qui surgit sur la base des nécessités historiques du prolétariat), ces
organes restent très fortement dépendants du milieu ambiant de la lutte de
classe. Ils restent plus fortement prisonniers des faiblesses générales du
mouvement et ont tendance à suivre les hauts et les bas de la lutte.
C'est ainsi que nous devons
opérer une distinction dans le développement de ces comités etc. au moment du
reflux de la lutte entre 1973 et 77, et dans la période actuelle de reprise
internationale des luttes.
Tout en soulignant les dangers
qui restent identiques pour ces deux périodes, nous devons être capables de
cerner les différences d'évolution.
C'est ainsi qu'avec la fin de
la première vague de luttes à la fin des années 60 nous avons pu assister à
l'apparition de toute une série de confusions au sein de la classe ouvrière.
Ces confusions nous pouvons les mesurer surtout en fonction de l'attitude des
quelques éléments combatifs de la classe qui tentent de rester groupés.
Nous voyons ainsi se
développer :
- L'illusion du syndicalisme
de combat et la méfiance de tout ce qui-est politique (OHK, AAH,
Komiteewerking ([2]).
Dans la plupart des cas, les comités issus des luttes se transforment carrément
en para-syndicats. C'est le cas des Commissions Ouvrières en Espagne et des
"Conseils d'Usines" en Italie. Plus souvent encore, ils disparaissent
carrément.
- Un très fort corporatisme
(ce qui constitue la base même du syndicalisme "de combat").
- Lorsque des tentatives sont
faites pour dépasser le cadre de l'usine, une confusion et un éclectisme
politique très grand.
- Une très grande confusion
politique ce qui rend ces organes très fragiles aux menées des gauchistes et
les font tomber aussi dans des illusions du style de celles entretenues par le
PIC (voir le "bluff" des groupes ouvriers. ([3])
C'est également au cours de
cette période que se développe l'idéologie de "l'autonomie ouvrière"
avec tout ce qu'elle comporte comme apologie de l'immédiatise, de l'usinisme et
de l'économisme.
Toutes ces faiblesses sont
essentiellement fonction des faiblesses de la première vague de luttes de la
fin des années 60. C'est ainsi que ces mouvements se caractérisent par une
disproportion entre la force et l'extension des grèves et une faiblesse dans le
contenu des revendications. Ce qui marque surtout cette disproportion c'est une
absence de perspectives politiques claires dans le mouvement. Le repli ouvrier
de 73-77 est le produit de cette faiblesse utilisée par la bourgeoisie pour
opérer un travail de démobilisation et d'encadrement idéologique des luttes.
Chacun des points faibles de la première vague de grèves est
"récupéré" par la bourgeoisie à son profit :
"Ainsi l'idée d'une
organisation permanente de la classe à la fois politique et économique s'est
transformée ensuite en celle des "nouveaux syndicats" pour finalement
en revenir aux syndicats classiques. La vision de l'A.G. comme une forme
indépendante du contenu a abouti - via les légendes sur la démocratie directe
et le pouvoir populaire- au rétablissement de la confiance dans la démocratie
bourgeoise classique. Les idées d'autogestion et de contrôle ouvrier de la
production, confusions explicables dans un premier temps, furent théorisées par
le mythe de "l'autogestion généralisée", les "Îlots du
communisme" ou la "nationalisation sous contrôle ouvrier".
Tout ceci a préparé les ouvriers à faire confiance au plan de restructuration
"qui évite les licenciements" ou aux pactes de solidarité nationale
pour "sortir de la crise".
(Rapport sur la lutte de
classe présenté au 3ème Congrès international du CCI)
LA REPRISE DES LUTTES DEPUIS
1977
Avec la reprise des luttes
depuis 1977, nous voyons se dessiner d'autres tendances. Le prolétariat a mûri
par la "défaite", il a tiré même très confusément les leçons de ce
reflux et même si les dangers restent toujours présents de "syndicalisme
de combat", de corporatisme, etc, ils s'inscrivent dans une évolution
générale différente.
C'est ainsi que depuis 77 nous
voyons se développer timidement :
Une volonté plus ou moins
marquée de développer une discussion politique de la part d'une
avant-garde combative des ouvriers (rappelons l'AG des coordinamenti à Turin,
le débat mené à Anvers avec des ouvriers de Rotterdam, d'Anvers, etc., la
conférence des dockers à Barcelone,...([4]).
La volonté d'élargir le champ
de la lutte, de dépasser le ghetto de l'usinisme, de donner un cadre politique
plus global à la lutte. Cette volonté s'exprime par l'apparition de
"coordinamenti" et plus spécifiquement dans le manifeste politique
d'un des coordinamenti du nord de l'Italie. Ce manifeste réclame une
unification de l'avant-garde combative des usines, la nécessité d'une lutte
politique indépendante des ouvriers et insiste sur la nécessité de dépasser le
cadre de l'usine pour lutter; [Nous dirions dépasser le cadre du quartier, ajout par
Klasbatalo]
Le souci d'établir une liaison
entre l'aspect immédiat de la lutte et le but final. Ce souci s'exprime
particulièrement dans des groupes de travailleur: en Italie (FIAT) et en
Espagne FEYCU, FORD). Les premiers sont intervenus par voie de tract pour
dénoncer les menaces de licenciements faits au nom de
"l'anti-terrorisme", les seconds pour dénoncer l'illusion du
parlementarisme;
-Le souci de mieux préparer et
organiser les luttes à venir (cf.. action des "porte-parole" de Rotterdam
appelant à la formation d'AG).
Bien entendu, répétons le, les
dangers de corporatisme, de syndicalisme de combat, d'enfermement de la lutte
sur un terrain strictement économique subsistent même au cours de cette
période.
Mais ce dont nous devons tenir
compte c'est l'influence importante de la période sur l'évolution de comités,
noyaux, etc. surgissant avant ou après les luttes ouvertes. Lorsque la période
est à la combativité et à la remontée des luttes, l'intervention de telles
minorités ouvrières prend un autre sens et notre attitude également. C'est
ainsi que dans une période de recul généralisé des luttes, nous insisterons
plus sur les dangers pour de tels organes de se transformer en para-syndicats, de
tomber dans les bras des gauchistes et des illusions du
terrorisme, etc. Dans une période de remontée, nous insisterons plus sur les
dangers du volontarisme et de l'activisme (cf. les illusions exprimées à cet
égard dans le manifeste du coordinamento de Sesto Seovanni), sur les illusions
que pourraient avoir ces ouvriers combatifs de former les embryons des comités
de grève futurs, etc. Dans une période de reprise des luttes, nous serons
également plus ouverts face à l'apparition de minorités combatives se
regroupant en vue d'appeler à la lutte et à la formation de comités de grève,
d' d'A.G., etc.
LES POSSIBILITES DE CES
ORGANES
Ce souci de replacer ces
comités, noyaux, etc. dans le bain de la lutte de classe, de les comprendre en
fonction de la période dans laquelle ils se meuvent, n'implique pas pourtant
que nous changions nos analyses du tout au tout, suivant ces différentes étapes
de la lutte de classe.
Quel que soit le moment où naissent ces comités ou noyaux,
nous savons qu'ils ne constituent qu'UNE ETAPE D'UN-PROCESSUS DYNAMIQUE
GENERAL, un moment dans la maturation de l'organisation et de la conscience de
classe. Ils ne peuvent avoir un rôle positif que s'ils se donnent un cadre
large et souple pour ne pas figer ce processus. C'est pourquoi ils doivent être
vigilants et ne pas tomber dans les pièges suivants :
-
s'imaginer constituer la structure qui prépare le surgissement des comités de
grève ou des conseils.
-
s'imaginer être investis d'une sorte de "potentialité" en vue de
développer la lutte future (ce ne sont pas des minorités qui créent
artificiellement une grève ou font surgir une A.G. ou un comité même si elles
ont une intervention active dans ce processus).
-
se doter d'une plate-forme ou de statuts ou de tout élément risquant de figer
leur évolution et les condamnant à la confusion politique.
-
se présenter comme des organes intermédiaires entre la classe et une
organisation politique, comme une organisation à la fois unitaire et politique.
C'est pourquoi, quelle que
soit la période dans laquelle nous nous trouvons, notre attitude envers ces
organes minoritaires, si elle reste, ouverte, vise cependant à influencer
l'évolution de la réflexion politique en leur sein. Nous devons essayer de
faire en sorte que ces comités, noyaux, ne se figent ni dans un sens (une
structure qui s'imagine préfigurer les conseils), ni dans l'autre (fixation
politique). Ce qui doit nous guider avant tout, ce ne sont pas les intérêts et
les préoccupations conjoncturelles de ces organes (car nous ne pouvons pas leur
suggérer une recette organisationnelle et une réponse toute faite), mais les
intérêts généraux de l'ensemble de la classe. Notre souci est de toujours
homogénéiser et développer la conscience de classe de telle sorte que le
développement de la lutte se fasse avec une participation toujours plus massive
des ouvriers à celle-ci et une prise en main de la lutte par les ouvriers
eux-mêmes et non par une minorité, quelle qu'elle soit. C'est pour cette raison
que nous insistons tant sur la dynamique du mouvement et que nous mettons les
éléments combatifs du prolétariat en garde contre les tentatives de
substitutionnisme ou contre tout ce qui risque de bloquer le développement
ultérieur de la lutte et de la conscience. En orientant
l'évolution de ces organes dans une direction (réflexion et discussions
politiques), plutôt que dans une autre, nous répondons à ce souci de favoriser
la dynamique du mouvement. Bien entendu, cela ne signifie pas
que nous condamnions toute forme d'Intervention" ou d'action"
ponctuelle de la part de ces organes. Il est évident que dès l'instant où un
groupe d'ouvriers combatifs comprend que sa tâche n'est
pas d'agir en vue de se constituer en para-syndicats mais plutôt en vue de
tirer des leçons politiques des luttes passées, cela n'implique pas le fait que
cette réflexion politique se fasse dans le vide éthéré, dans l'abstrait et sans
aucune conséquence pratique. La clarification politique menée par ces ouvriers
combatifs va également les pousser à agir ensemble à l'intérieur de leur usine
(et dans des cas plus positifs même au delà de l'usine). Ils vont sentir la
nécessité de donner une expression politique matérielle à leur réflexion
politique (tracts, journaux, etc.), ils vont sentir la nécessité de prendre
position par rapport à des faits concrets qui touchent la classe ouvrière. En
vue de diffuser cette prise de position et de la défendre, ils vont donc avoir
une intervention concrète. Dans certaines circonstances ils vont proposer des
moyens d'action concrets (formation d'A.G., de comités de grève,...) en vue de
riposter ou de lutter. Au cours de la lutte elle-même, ils ressentent la
nécessité de se concerter pour développer une certaine orientation de la lutte,
pour appuyer des revendications permettant d'élargir la lutte, pour insister
sur l'élargissement de celle-ci, etc.
Mais, par rapport à cela, même
si nous restons attentifs à ne pas plaquer des schémas rigides, il est clair
que nous continuons à insister sur le fait que ce qui compte avant tout, c'est
la participation active de tous les ouvriers à la lutte, et qu'en aucun cas ces
éléments combatifs ne doivent se substituer à cette participation et mener
l'organisation et la coordination de la grève à la place de leurs camarades. De
plus, il est également clair que plus l'organisation des révolutionnaires
augmentera son influence au sein des luttes, plus ces éléments combatifs se
tourneront vers elle. Ceci, non pas parce que l'organisation aura mené une
politique de recrutement forcé envers ces éléments, mais tout simplement parce
que ces éléments prendront conscience qu'une intervention politique réellement
active et efficace ne peut se faire que dans le cadre d'une telle organisation
internationale.
L'INTERVENTION DES
REVOLUTIONNAIRES
Tout ce qui brille n'est pas
or. Mettre en évidence que la classe ouvrière fait surgir dans sa lutte des
minorités plus combatives ne signifie pas affirmer que l'impact de ces
minorités est décisif pour le déroulement ultérieur de la conscience de classe.
Nous ne devons pas faire une identification absolue entre expression d'une
maturation de la conscience et facteur actif dans le développement de celle-ci.
En réalité, l'influence que
peuvent avoir ces comités, cercles, etc. dans le déroulement ultérieur de la
lutte est très limitée. Elle est entièrement fonction de la combativité
générale du prolétariat et de la capacité de ces comités ou cercles à
poursuivre sans cesse un travail de clarification
politique. Or, à long terme, ce travail ne peut se poursuivre que dans le cadre
d'une organisation révolutionnaire.
Mais là encore aucun mécanisme
ne peut avoir cours. Ce n'est pas d'une manière artificielle que l'organisation
révolutionnaire gagnera ces éléments. Contrairement à des organisations comme
Battaglia Comunista ou le PIC, le CCI ne
cherche pas à combler d'une manière artificielle et volontariste un
"fossé" qui existerait entre le parti et la classe. Notre
compréhension de la classe ouvrière comme force historique et de notre rôle
nous empêche de vouloir figer ces comités dans des structures intermédiaires ou
de chercher à créer des "groupes d'usine", courroies de transmission
entre la classe et le parti.
Se pose alors la question de
savoir quelle est notre attitude par rapport à de tels comités, cercles etc. Tout
en leur reconnaissant une influente limitée, des faiblesses, nous restons
ouverts et attentifs au surgissement de tels organes. Nous leur proposons avant
tout une très grande ouverture dans la discussion et nous n'adoptons en aucun
cas une attitude de mépris, de condamnation sous prétexte de l'impureté"
politique de ces organes. Ceci est une chose. Une autre chose
serait de flatter ces organes ou même de concentrer notre énergie uniquement
sur eux. Nous n'avons pas à faire une psychose des "groupes ouvriers",
comme nous n'avons pas à les ignorer. Tout en reconnaissant le processus "
de maturation de la lutte et de la conscience de classe et ses tentatives à se
"hisser" vers le terrain politique, tout en ayant conscience que le
prolétariat dans ce processus fait surgir en son sein des minorités plus
combatives qui ne s'organisent pas nécessairement en organisation politique,
nous devons faire attention à ne pas identifier ce processus de maturation avec
celui qui caractérisait le développement de la lutte au siècle dernier. Cette
compréhension est très importante car elle nous permet d'apprécier en quoi ces
comités, cercles, etc. sont véritablement des expressions de la maturation de
la conscience de classe, mais des expressions avant tout temporaires et éphémères
et non pas des jalons fixes et structurés, des échelons organisationnels dans
le développement de la lutte de classe. Car la lutte de classe en période de
décadence se fait par explosions, par surgissements brusques qui surprennent
même les éléments les plus combatifs d'une lutte précédente et peuvent les
dépasser tout à fait en conscience et en maturité. Le prolétariat ne peut
s'organiser réellement au niveau unitaire qu'au sein de la lutte elle-même et
au fur et à mesure que la lutte devient permanente, il grossit et renforce ses
organisations unitaires.
C'est cette compréhension qui
nous permet de mieux cerner en quoi, même si dans certaines circonstances il
peut être très positif de mener une discussion suivie et systématique avec ces
cercles et de participer à leurs réunions, nous n'avons pas de politique
spécifique, de "tactique" spéciale à l'égard de ces comités ouvriers.
Nous reconnaissons la possibilité et une plus grande facilité de discuter avec
ces éléments combatifs (particulièrement quand la lutte n'est pas encore
ouverte) ; nous avons conscience que certains de ces éléments peuvent nous
rejoindre, mais nous ne focalisons pas toute notre attention à leur égard. Car
ce qui reste avant tout essentiel pour nous, c'est la dynamique générale de la
lutte à l'intérieur de la laquelle nous n'opérons aucune classification rigide,
aucune hiérarchisation. Nous nous adressons avant tout à la classe ouvrière
dans son ensemble. Contrairement aux autres groupes politiques qui essaient de
combler l'absence d'influence de minorités révolutionnaires par des procédés
artificiels en s'illusionnant sur ces "groupes
ouvriers ": le CCI reconnaît son peu d'impact dans la période
présente. Nous ne cherchons pas à développer, pour augmenter cette influence,
une confiance artificielle des ouvriers à notre égard. Nous ne sommes pas
ouvriéristes, comme nous ne sommes pas des mégalomanes. L'influence que nous
développerons progressivement au sein des luttes, viendra essentiellement de
notre PRATIQUE POLITIQUE en leur sein, et non d'un quelconque rôle de
"porteurs d'eau" ou d'une politique de flagorneries. De
plus, cette intervention politique, nous l'adressons aux ouvriers dans leur
ensemble, au prolétariat pris comme un tout et comme une classe. Nous
existons non pas pour nous satisfaire de la "confiance" que nous
accorderaient deux, trois ouvriers aux mains calleuses, mais pour homogénéiser
accélérer l'épanouissement de la conscience de classe. Et
soyons conscients que ce n'est qu'au cours du processus révolutionnaire lui-même
que le prolétariat nous accordera sa "confiance"
politique, dans la mesure où il reconnaîtra alors que le parti révolutionnaire
fait réellement PARTIE de son combat historique.
[1]
AAU, Allgemeine Arbeiter Union : Union Générale des Travailleurs. Les
'unions" ont été des tentatives de créer des formes d'organisation
permanentes regroupant l'ensemble des ouvriers en dehors des syndicats et
contre eux, en Allemagne, dans les années qui suivirent l'écrasement de
l'insurrection de Berlin en 1919. Elles exprimaient une nostalgie des conseils
ouvriers, mais ne parvinrent jamais à en remplir la fonction.
[2]
Groupes d'ouvriers en Belgique.
[3]
Le groupe français PIC (Pour une Intervention Communiste) vécut pendant
quelques mois convaincu et cherchant à convaincre tout le monde, qu'il
participait au développement d'un réseau de "groupes ouvriers", qui
constitueraient une puissante avant garde du mouvement révolutionnaire. Il
fondait et entretenait cette illusion sur la réalité squelettique de deux ou
trois groupes constitués pour l'essentiel d'éléments "ex-gauchistes".
Il ne reste plus grand chose de tout ce bluff.
[4]
Il s'agit de rencontres organisées regroupant des délégations de différents
groupes, collectifs, comités ouvriers...
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L'expression "vieux CCI" est tout à fait adéquate, j'aurais plutôt écrit "quand le CCI était encore vivant" vu son état actuel catatonique et catastrophique du point de vue réputation: secte hyper cadenassée par des méthodes internes staliniennes et plongée dans la vase théorique anarchiste qui tente d'accommoder tout ce qui bouge (alter-mondialisme, indignés bobos, etc.) à des relents de lutte de classe(qui reste elle modeste mais quand même très censurée par les médias). Bravo encore pour votre honnêteté politique et absence de sectarisme. Continuez à souquer ferme! Jean-Louis Roche (prolétarien universel)
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