Bulletin communiste international #11 – FGCI
Lutte
contre l'opportunisme
Sur les rivalités
impérialistes en Syrie et l'abandon des principes marxistes par le
CCI
(Correspondance)
Nous
venons juste de recevoir le texte qui suit d'un « groupe »
que nous ne connaissons pas et signant Explorateurs
en lendemains...
Le lecteur pourra lire dans notre lettre de réponse qui suit les
raisons pour lesquelles nous partageons le but politique que visent
les camarades en rédigeant ce texte et en le faisant circuler même
si nous ne sommes pas d'accord avec les éléments d'analyse et les
conclusions en terme d'alignement impérialiste.
La
Syrie
En
parcourant les quelques articles du milieu révolutionnaire
prolétarien consacrés à la tragédie qui se déroule en Syrie on
est frappé par le sentiment d’impuissance
de ce même milieu. Son incapacité congénitale à parler d’une
même voix et à se faire entendre est malheureusement patente et
récurrente. Mais ce n’est
pas la seule faiblesse de ce milieu, loin s’en
faut.
Nous
n’avons
pas la prétention d’avoir
lu tout ce que le milieu a pu écrire sur la Syrie depuis le début
des évènements marquants dans ce pays en Mars 2011, mais la rareté
des expressions sur ces évènements rejoint aussi l’indigence
des analyses. Certaines tournent le dos au marxisme et tendent à
abandonner les principes fondamentaux du mouvement communiste et a
glisser sur le terrain de l’adversaire.
C’est
le cas d’un
article de Révolution
Internationale :
« Syrie: guerre impérialiste ou solidarité de classe »
(Révolution
Internationale
/ Septembre 2013)
Si
l’on
fait abstraction des habituelles litanies au sujet de la décadence,
de la décomposition et du chaos, qui servent de cadre d’analyse
à ce courant, et de passe partout, ainsi que de l’appel
de principe au prolétariat mondial, entité parfaitement inexistante
à l’heure
actuelle, que nous apprend cet article?
Tout
d’abord
ce que tout le monde sait et que même la presse bourgeoise la plus
vile rappelle dans ses torchons crasseux: les armes chimiques
existent depuis la 1° guerre mondiale, et n’ont
jamais cessé d’être
produites, perfectionnées, vendues et utilisées, y compris par ceux
qui signent des traités et conventions contre elles.
Ensuite
l’auteur
promet de nous révéler « quelles
sont les véritables causes du conflit en Syrie ».
Mais il n’en
fait rien, et à aucun moment ne cherche à le faire.
D’ailleurs
les arguments guerriers des impérialismes français et américains
qu’on
se doit de combattre
ne se rattachent pas à une quelconque explication des causes du
conflit, mais aux moyens d’empêcher
Bachar Al Assad d’utiliser
les armes chimiques en sa possession, et de dissuader l’Iran
de poursuivre son programme nucléaire. Que ces arguments ne soient
que sophismes grossiers cachant mal leurs desseins impérialistes est
une autre affaire qu’il
serait intéressant de développer par ailleurs. Et c’est
entre autre ce qu’on
était en droit d’attendre
au minimum d’un
tel article.
Mais
en réalité cet article ne nous apprend rien du tout. Sa seule
raison d’être
étant de ressasser la ligne du courant en cherchant à en prouver la
prétendue validité dans l’actualité.
Or
cette ligne aboutit à des affirmations on ne peut plus naïves et
dangereuses : « Depuis
l’effondrement
de l’URSS
il n’y
a plus de blocs,
plus
de risques d’une
troisième guerre mondiale généralisée. »
Et
en cela il chante la même berceuse aux prolétaires que les
impérialistes eux-mêmes. Propagande soporifique.
Les
guerres que les bourgeoisies impérialistes mènent un peu partout
dans le monde viseraient justement, à les en croire, à éviter la
prolifération des armes de destruction massive qu’ils
possèdent eux-mêmes en quantités hallucinantes et en qualité
nécessairement considérablement supérieure à tous les Etats qui
cherchent à s’en
doter, et par conséquent à éviter une troisième guerre mondiale.
A chaque guerre on brandit l’image
d’un
nouvel Hitler qu‘il
faut écraser avant qu‘il
ne soit trop tard: Saddam Hussein, Kadhafi, Bachar Al Assad. Mais
tout cela cache mal les intérêts proprement impérialistes qui les
motivent. Au premier rang desquels le maintien de l’ordre
capitaliste dans le monde entier et le renforcement de leur nation
sur le marché mondial.
Le
soutien indéfectible à certains régimes théocratiques,
dictatoriaux, voire mafieux, par les Etats-Unis (Israël, Arabie
Saoudite, Afghanistan ...) comme par la Russie et la Chine ( Syrie,
Iran, Corée du Nord …) ou la France ( Maroc, Qatar, Emirats
Arabes Unis…), rend caduque les mélopées de ces bourgeoisies sur
l’air
des libertés démocratiques, qu’elles
ne respectent même pas sur leur propre territoire national.
D’ailleurs,
le peu de cas porté, même si officiellement on a assisté aux
gémissements ridicules de Fabius et aux sermons d’
Obama, entrant en contradiction pour l’occasion
avec Kerry, à la violente et sanglante reprise en main parfaitement
antidémocratique du pouvoir par l’armée
en Egypte dissimule mal l’appui
effectif apporté par tous les bons samaritains de l’impérialisme
aux généraux égyptiens (ceux-ci auront été privés de dessert:
manœuvres militaires conjointes avec les USA), après avoir joué la
carte des Frères Musulmans contre la révolution. Le précédent
algérien avait déjà donné le ton il y a quelques décennies en
matière de défense des droits démocratiques. Ce qui alimenta tout
particulièrement le terrorisme des courants islamistes radicaux à
l’échelle
internationale.
Un
autre sophisme guerrier des impérialismes invoque la lutte contre le
terrorisme. Mais si le terrorisme, principalement islamiste,
constitue une menace pour les puissances impérialistes, c’est
qu’il
vise à renverser les régimes qu’elles
soutiennent en fonction des mêmes intérêts. Toutefois elles ne
dédaignent pas de l’utiliser
contre les Etats qui coopèrent avec les impérialismes concurrents.
Ce fut le cas en Afghanistan (notamment avec les Talibans et Ben
Laden lui-même), ce fut aussi le cas au Caucase, en Lybie et
actuellement en Syrie, pour ce qui est des impérialismes
occidentaux, et de l’axe
franco-anglo-américain. Mais les impérialismes Russe et Chinois,
voire l’impérialisme
naissant en Inde et au Pakistan, ne sont pas en reste (Cachemire,
Népal, Tibet, Caucase, Indochine, Sri Lanka, Indonésie…).
Au
lieu d’apercevoir
la recomposition inéluctable des alliances impérialistes et la
dynamique inexorable du MPC qui tend vers le conflit généralisé,
RI voit tout le contraire:
« Seulement
la discipline de bloc aussi a volé en éclats. Chaque nation joue
depuis sa propre carte, les alliances impérialistes sont de plus en
plus éphémères et de circonstance… ainsi les conflits se
multiplient sans qu’aucune
bourgeoisie ne puisse plus rien contrôler. C’est
le chaos, la décomposition grandissante de la société. »
Comme
si dans les alliances qui ont provoqué la première guerre mondiale
chacun n’avait
pas « joué sa propre carte »! Comme si dans les
nouvelles alliances qui se sont nouées pour la deuxième il n’y
avait pas eu un grand jeu, un double et triple jeu de la part de
chaque nation concurrente! Quelle pitoyable innocence! Comme si les
Etats-Unis n’avaient
pas agressés leurs propres alliés européens, comme si l’URSS
n’avait
pas pactisé avec l’Allemagne
hitlérienne avant de passer un accord avec les Etats-Unis, et le
rompre dès qu’il
lui fut possible. Comme si dans les deux blocs d’après
guerre il n’y
avait pas une guerre permanente entre membres d’un
même bloc, et comme s’il
n’y
avait pas eu de non-alignés, etc. Et pourtant, c’est
bien à cette époque des blocs que le danger d’un
troisième conflit s’était
en réalité le plus éloigné.
On
ne peut pourtant pas dire non plus que l’alliance
entre la France, l’Angleterre
et les Etats-Unis soit vraiment éphémère et de circonstance depuis
2001! La France est aux côtés de l’Angleterre
et des Etats-Unis en Afghanistan (2002), en Irak (2003), en Lybie
(2011), au Mali (2012), en Syrie (2013). On l’entend
hurler au loup avec ses acolytes contre l’Iran,
comme contre Bachar Al Assad.
Depuis
la fin des années 90 la bourgeoisie française a opéré un tournant
en politique extérieure. Avec le retour des socialistes au pouvoir
et la cohabitation Jospin/Chirac, la politique atlantiste fut
ravivée. Cette derniere opéra un rapprochement avec Israël au
détriment des palestiniens. Encore une fois la politique extérieure
de la bourgeoisie française a favorisé le développement du
terrorisme islamiste, en l’occurrence
celui du Hamas en Palestine, comme elle avait attisé celui du GIA en
Algérie. On doit d’ailleurs
considérer pareillement la responsabilité de cette bourgeoisie
néocoloniale dans les affaires intérieures au Liban via la fraction
chrétienne.
L’acharnement
de celle-ci à vouloir intervenir militairement dans cette région
contre vents et marée trouve sa raison d’être
réelle dans sa tentative de retrouver une influence prépondérante
dans ce qui fut ses anciennes colonies après le Traité de Sèvres
en 1920. Le recul de son influence au Liban, surtout avec la montée
en puissance du Hezbollah allié à la Syrie, est un des motifs du
revirement de la politique extérieure de la bourgeoisie française
au proche orient à la fin des années 90.
Cette
politique extérieure qui vit se resserrer les liens diplomatiques et
militaires entre la France et les Etats-Unis fut confirmée par le
retour de la droite au pouvoir avec l’appui
de toutes les forces de gauche… sous la présidence de Chirac. Elle
fut même consolidée sous Sarkozy malgré certaines frictions
apparentes et trouve son couronnement avec Hollande et la gauche au
pouvoir.
Néanmoins
une alliance impérialiste n’opère
pas seulement sur le plan de la diplomatie, elle trouve son point
d’orgue
dans une alliance militaire et son opérationnalité sur le terrain
des conflits. Or c’est
bien ce qui se réalise au travers des conflits successifs en Lybie,
au Mali et en perspective en Syrie, même si un certain recul
momentané des préparatifs militaires semblent officiellement
avérés. L’efficacité
du dispositif militaire entre les trois puissances a été rodé pour
ainsi dire au cours des guerres d’occupation
en Afghanistan et en Irak. Mais il a été véritablement
opérationnel avec la guerre en Lybie, puis au Mali.
Mais
l’apothéose
de cet article réside dans l’idée
que l’opinion
publique a fait reculer la bourgeoisie anglaise au… parlement!
Comble du crétinisme parlementaire. Le CCI a oublié que le
parlement ne reflète pas l’opinion
publique mais le point de vue dominant dans la bourgeoisie elle-même,
et que celui-ci modèle à son tour l’opinion
publique (la bourgeoisie détenant tous les médias et tous les
moyens de propagande). Opinion publique matière plastique disait
BORDIGA!
Et
le CCI emboîte le pas à la presse bourgeoise. Après avoir
anesthésié les prolétaires avec la chansonnette sur
l’impossibilité
d’une
nouvelle guerre mondiale, le CCI finit de l’endormir
avec la berceuse sur la démocratie et l’opinion
publique.
La
même magie de la démocratie agirait aux Etats-Unis. Mais en
réalité, et contrairement à ce qui est affirmé aussi dans un
article paru dans Le Monde le 26/09/2013, ce n’est
pas l’opinion
publique qui a freiné les ardeurs de la bourgeoisie américaine,
mais, derrière les menaces militaires, un calcul diplomatique et le
danger évident d’une
escalade incontrôlable non seulement au plan régional, mais encore
au plan mondial.
Sur
le plan intérieur à la Syrie les progrès constants des groupes
islamistes armés et notamment ceux qui sont directement liés à Al
Qaïda vient de s’illustrer
par une rupture de plus d’une
dizaine de ces groupes parmi les plus efficaces militairement, à
commencer par l’Armée
syrienne libre elle-même d’avec
la Coalition nationale syrienne, seule interlocutrice des
impérialistes occidentaux. Par conséquent, une intervention sans
troupes au sol est beaucoup trop risquée quand à savoir qui
s’emparera
du pouvoir quand le dictateur de Damas sera éliminé par les
missiles.
Ce
n’est
pas que ces troupes ne pourraient pas intervenir, car elles sont
pré-positionnées en Jordanie et certainement aussi en Israël et en
Turquie, Le Figaro ayant révélé qu’en
Jordanie stationnaient non seulement les forces spéciales, mais
encore 2 compagnies de combat et un détachement du 13° régiment de
Dragons parachutistes. Une autre information du Figaro relatait que
l’armée
syrienne aurait utilisé l’arme
chimique en Aout suite à la pénétration des forces spéciales en
Syrie. En somme il s’agissait
d’un
avertissement. Quoiqu’il
en fut réellement, et il y a de forte chance pour que nous ne le
sachions jamais, on comprend mieux la fameuse ligne rouge des EU…
Au
plan mondial, les autres impérialismes, au premier rang desquels
l’impérialisme
russe, principal soutient de l’Etat
syrien, sont résolument opposés à toute intervention militaire
adverse. Or non seulement la Russie possède une base militaire en
Syrie, dans le port de Tartous, et il s’agit
de la seule base russe en Méditerranée, mais encore elle est en
train de déployer des navires de guerre un peu partout. Il en est de
même, dans une moindre mesure, de la Chine.
La
plupart des puissances émergentes y sont aussi opposées. Non
seulement l’axe
franco-anglo-américain se trouve entravé au niveau de l’ONU,
mais encore il peine à réunir une coalition de pays à même de le
soutenir en cas de dérapage. Au contraire il voit se dessiner une
alliance adverse qui trouve un appui relativement important dans ces
puissances émergentes.
C’est
pour toutes ces raisons que l’axe
occidental a reculé en bon ordre et a fait mine d’avoir
fait avancer les choses sur le plan diplomatique. Et certainement pas
par respect de l’opinion
publique et de la démocratie. Il en faudra beaucoup plus pour faire
reculer l’impérialisme,
à commencer par un petit peu plus de rigueur marxiste (défaitisme
et internationalisme ) et d’unité
dans la propagande du milieu révolutionnaire dans les pays des camps
qui se dessinent. Mais surtout une véritable mobilisation
prolétarienne de classe contre la bourgeoisie.
Explorateurs
en lendemains,
Septembre 2013.
Rosa
Luxemburg contre l'opportunisme... du CCI actuel et sa
liquidation d'un des principes marxistes quant à la seule
perspective du capitalisme :
une 3ème guerre impérialiste
généralisée
« Ces événements, qui se
succédèrent coup sur coup, créèrent de nouveaux antagonismes en
dehors de l'Europe : entre l'Italie et la France en Afrique du
Nord, entre la France et l'Angleterre en Égypte, entre l'Angleterre
et la Russie en Asie centrale, entre la Russie et le Japon en Asie
orientale, entre le Japon et l'Angleterre en Chine, entre les
États-Unis et le Japon dans l'océan Pacifique - une mer mouvante,
un flux et reflux d'oppositions aiguës et d'alliances passagères,
de tensions et de détentes, au milieu de laquelle une guerre
partielle menaçait d'éclater à intervalle régulier entre les
puissances européennes, mais, chaque fois, était différée à
nouveau. Dès lors, il était clair pour tout le monde :
1)
Que cette guerre de tous les États capitalistes les
uns contre les autres sur le dos des peuples d'Asie et d'Afrique,
guerre qui restait étouffée mais qui couvait sourdement, devait
conduire tôt ou tard à un règlement de comptes général,
que le vent semé en Afrique et en Asie devait un jour s'abattre en
retour sur l'Europe sous la forme d'une terrible tempête, d'autant
plus que ce qui se passait en Asie et en Afrique avait comme
contre-coup une intensification de la course aux armements en Europe.
2) Que la guerre mondiale
éclaterait enfin aussitôt que les oppositions partielles
et changeantes entre les États impérialistes trouveraient un axe
central, une opposition forte et prépondérante autour de laquelle
ils puissent se condenser temporairement. Cette situation
se produisit lorsque l'impérialisme allemand fit son apparition. »
(La Brochure de Junius, ch.3, le développement de l'impérialisme,
1915, nous soulignons).
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