vendredi 18 février 2011

Réponse au texte des communistes internationalistes-Klasbatalo sur leur contribution à un état de la gauche communiste

"Jung et une foule d'autres ne se laisseront jamais convaincre qu'il existe une différence de principe entre nous et Ruge, ils s'en tiennent à l'opinion qu'il s'agit uniquement de chamaillerie personnelle. Quand on leur dit que Ruge n'est pas un communiste, ils ne veulent pas le croire et manifestent leur regret de voir rejetée inconsidérément une « autorité littéraire » comme Ruge !" (Lettre d'Engels à Marx, 19 novembre 1844).

Depuis nos premiers contacts avec les camarades des Communistes Internationalistes-Klasbatalo (ex-CIM), nous [La Fraction de la Gauche Communistes Internationaliste] n'avons eu de cesse de débattre et d'essayer de clarifier la question des forces communistes de notre époque, de ce que nous appelons le camp prolétarien, ou encore le milieu politique prolétarien. La contribution des camarades vient marquer une étape importante de notre discussion. Elle est d'autant plus importante qu'en soulignant les insuffisances actuelles des principaux groupes de la Gauche communiste - leur incapacité à assumer de manière active et décidée leur rôle de pôle de regroupement du fait du poids du sectarisme et de l'opportunisme politiques -, elle vient interpeller ceux-ci d'une part et qu'elle se fait indirectement l'écho, en s'interrogeant, des tendances croissantes au rejet et à la liquidation de ces groupes.

Alors que la crise ouverte du capital et les réactions ouvrières qu'elle provoque, annoncent l'ouverture d'un processus vers des confrontations de classes décisives, frontales et massives, l'état de dispersion et de faiblesse du camp politique prolétarien - qui devrait tendre à se renforcer et à regrouper autour de lui, autour de ses positions et orientations politiques - favorise au contraire les tendances anti-organisation de type conseilliste et anarchisante. Au point qu'aujourd'hui toute une mouvance - bien souvent constituée d'ex-militants du CCI "déçus" renforcés par des éléments anarchisants - vient militer, directement ou indirectement, explicitement ou implicitement, pour la liquidation et la disparition des principales organisations du camp prolétarien.

Déjà en avril 2009, le groupe Perspectives internationalistes avait appelé à un rassemblement des "pro-révolutionnaires" que, pour notre part, nous avions rejeté notamment pour son ignorance, c'est-à-dire en fait pour son rejet, des principales organisations de la Gauche communiste et pour sa tonalité anarchisante (cf. Notre réponse à l'Appel au milieu pro-révolutionnaire dans le bulletin 47 de la Fraction interne du CCI). Depuis, cette dynamique au rejet des principales organisations du camp prolétarien s'est accentuée ; en particulier du fait du renfort que lui apportent nombre d'anciens "adorateurs déçus" tels ceux qui se retrouvent au sein du Forum de la Gauche communiste. Ceux-ci ont adhéré dès leur sortie (volontaire) du CCI à "l'Appel de PI" et sont devenus les plus actifs pourfendeurs des organisations présentes de la Gauche communiste au point d'en prôner la disparition (cf. Controverses 3, Il est minuit dans la Gauche Communiste[1]). Nous avons rejeté et combattu cette thèse destructrice et liquidatrice dans le bulletin 2 de la FGCI, dans le texte Le camp prolétarien a-t-il définitivement fait faillite ?

Peut-on concilier l'inconciliable ?

Dans leur contribution, se basant sur les deux textes, les camarades du CIK "se sont donnés, ils le déclarent d'entrée, pour mandat de répondre aux deux groupes en tentant (...) de les concilier" bien que "ces deux positions semblent irréconciliables". Leur contribution souffre fortement de cette volonté de "synthèse" et de "conciliation". Se basant sur leur bonne volonté de concilier l'inconciliable, le texte des camarades est amené à des contradictions flagrantes et, du coup, à des concessions politiques dangereuses qui s'expriment dans des erreurs politiques particulièrement dangereuses. Pour résumer de manière sommaire leur contribution, les CIK semblent d'une part critiquer l'article de Controverses - qui "se veut implicitement un appel à saborder les trois principales organisations actuelles de la Gauche communiste" - tout en appuyant son argumentaire basé sur Marx et Engels : "C'est effectivement comment Marx et Engels voyaient la mise sur pied et la disparition des organisations politiques dont se dotait le prolétariat. (...) Aussi comme le souligne bien Controverses (...) après le reflux du cours des luttes, lire de l'épuisement du prolétariat écrasé le plus souvent par sa défaite, l'organisation tend à chercher une légitimité à la préservation de son existence. Elle tend alors à s'enfoncer dans des analyses particulières qui la divisent sur des questions de second ordre". Et les camarades des CIK, c'est une de leur qualité, de dire tout haut à qui ils pensent, et surtout à qui pense si fort Controverses : "On peut facilement faire un parallèle à cet effet avec le CCI qui semble s'être profondément enfoncé dans la paranoïa et l'autisme organisationnel au cours des dernières décennies"[2] (nous soulignons).

En fait, tout en critiquant Controverses pour son rejet de toute continuité historique, d'assumer face au prolétariat et au milieu communiste, sa propre histoire et ses propres responsabilités - ses militants ont une histoire dont ils sont redevables -, les camarades des CIK reprennent les arguments les plus erronés de Controverses qui mènent à l'adoption d'une vision anti-parti de type conseilliste. La première erreur, peut-être la moins importante, est celle d'un CCI, et de groupes de la Gauche qui auraient faillite depuis 30 ans. La deuxième est que toute organisation, quelle que soit la période historique, le cours du rapport de forces entre les classes, quelles que soient les circonstances, et quelle que soit l'organisation - parti, fraction, groupe, cercle... -est inévitablement amenée à dégénérer en suivant mécaniquement, inéluctablement, le reflux des luttes - ce qui mène à l'abandon de tout combat de fraction[3]. Enfin, Marx et Engels seraient les premiers porteurs de cette vision qui auraient été ensuite reprise par Bilan et même par la Gauche communiste de France dont le CCI est issu. Rien n'est plus faux !

Dans leur volonté de concilier l'inconciliable, les camarades sont amenés à commettre deux types d'erreurs : les premières appartiennent à ce que nous qualifierons comme des malentendus ou des confusions politiques ; les secondes sont des erreurs politiques.

Les malentendus

Les principaux "malentendus" touchent à deux questions : le "regroupement" et la "discussion".

Lorsque notre fraction, comme elle l'a toujours fait, appelle au "regroupement" des forces de la Gauche communiste autour d'un "pôle de regroupement", elle ne réduit en aucune manière ce processus à une simple et immédiate adhésion à ce "pôle". Cette "simple et immédiate adhésion" ne peut signifier que l'élimination complète des divergences existantes et donc l'affirmation d'un accord quasi-total avec les positions de l'organisation-pôle. Cette vision du regroupement - qui malheureusement prévaut aujourd'hui, notamment chez les organisations issues de la Gauche communiste - est non seulement erronée mais surtout en rupture avec la tradition et la pratique historiques du véritable mouvement communiste. Ce sont cette tradition et cette pratique que nous nous évertuons à défendre et qui sont à l'opposé du sectarisme ambiant actuel, qui est marqué par la défense exclusive de "sa petite chapelle" et par le rejet des autres tendances politiques. Si on ne prend référence que sur ce qui prévalait dans la période de la fin des années 1920 et des années 1930, pourtant marquée par la contre-révolution et une classe ouvrière profondément défaite, il apparaît clairement que, malgré ces conditions particulièrement défavorables, les courants et organisations de l'Opposition internationale et surtout de la Gauche communiste (italienne, germano-hollandaise et autres) ont multiplié (parce qu'ils en ressentaient la responsabilité historique et qu'ils en avaient la volonté politique) les tentatives de regroupement de leurs forces. Ces tentatives se basaient, bien sûr, sur un certain nombre de positions fondamentales communes mais elles n'impliquaient, en aucune manière, que les divergences devaient être laissées à la porte ou mises sous la table, pour en faire partie. Elles se manifestaient par des liens directs et fréquents, par la tenue de réunions et même de conférences internationales, parfois aussi par la mise en place de structures organisationnelles communes (Secrétariats ou Bureaux internationaux...) et par l'édition de bulletins "de discussion" ou "d'information" internationaux ; et cela même si leur fusion dans une seule et même organisation ne se faisait pas.

De la même manière que ces nombreuses organisations ont cherché à se regrouper tout en mettant en avant leurs différences et en les confrontant, quand nous parlons de la TCI (ex-BIPR) comme "pôle de regroupement" digne de ce nom aujourd'hui, cela n'implique pas, à nos yeux et au vu de la tradition communiste, la nécessité absolue de se regrouper en son sein mais, tout au moins, autour d'elle, cette organisation étant au centre du processus de regroupement. C'est dans ce sens qu'à notre avis la TCI doit assumer cette responsabilité qui lui échoit aujourd'hui et que, pour l'instant, elle est seule capable d'assumer. Contrairement à ce qu'écrivent les CIK, ce n'est pas nous qui octroyons "immédiatement le « contrat » du pôle de regroupement à la Tendance Communiste Internationaliste". Mais c'est son lien "organique", à savoir son lien historique avec les organisations du passé, c'est aussi son lien théorique par sa fidélité au marxisme et son lien politique par la revendication de la continuité programmatique du mouvement ouvrier, et organisationnelle par la capacité d'intervention internationale - la presse en particulier - dans le prolétariat et en direction des autres minorités révolutionnaires ; et c'est enfin la profonde faiblesse actuelle des autres organisations qui pouvaient prétendre jouer ce rôle de "pôle de regroupement".

Malheureusement, il nous faut reconnaitre que la TCI possède aussi une faiblesse importante à ce niveau - et qu'elle partage avec toutes les autres organisations de la Gauche communiste actuelles -, faiblesse qui trouve sa source dans le poids de la contre-révolution et de la rupture organique. Celle-ci s'exprime notamment au travers d'une tendance à une vision monolithique et erronée de l'avant-garde politique du prolétariat et a du mal à concevoir l'existence de positions différentes en son sein (inévitable reflet de l'hétérogénéité qui existe au sein même de la classe). C'est de cette confrontation entre des positions différentes et même divergentes que se fait le développement de la conscience de classe et que peut surgir le processus de regroupement et d'unification des forces communistes. Il n'y a pas de regroupement et de formation d'une avant-garde conséquente et unie du prolétariat si ses différences sont ignorées ou refusées.

Critiquant notre "anathème" contre la démarche de Controverses, les CIK affirment à leur tour que "le temps est à la discussion, à l'ouverture des débats, aux critiques dures, certes, mais fraternelles" - ce avec quoi tout le monde se déclarera en accord. Mais, les camarades doivent se rendre compte qu'il y a discussion et discussion - ou plutôt débat politique et discutaillerie. Dans le cas qui nous occupe ici, la discussion ne peut avoir de sens que si elle vise à la clarification politique en vue du regroupement des véritables forces communistes. Elle ne peut donc participer à la clarification politique qu'à la condition de se situer dans le cadre programmatique et politique de la Gauche communiste. Tout autre cadre de "discussion" ne peut au mieux que correspondre à une dérive dans l'impuissance, dans la participation à la dispersion et à la confusion politiques ; au pire, en s'appuyant sur un autre type de préoccupations (remise en cause du marxisme, révision voire rejet de l'expérience historique de notre classe), elle tend en général à s'éloigner du camp du prolétariat.

"Nous nous sommes unis en vertu d'une décision librement consentie, précisément afin de combattre l'ennemi et de ne pas donner dans le marais d'à côté, dont les hôtes, dès le début, nous ont blâmés d'avoir formé un groupe à part et préféré la voie de la lutte à la voie de la conciliation. Et certains d'entre nous de crier : Allons dans ce marais ! Et lorsqu'on leur en fait honte, ils répliquent :Quels gens arriérés vous êtes ! N'êtes-vous pas honteux de nous dénier la liberté de vous inviter à suivre une voie meilleure ! Oh ! Oui, Messieurs, vous êtes libres non seulement d'inviter, mais d'aller où bon vous semble, fût-ce dans le marais (...). Mais alors lâchez-nous la main, ne vous accrochez pas à nous et ne souillez pas le grand mot de liberté, parce que nous aussi, nous sommes « libres » d'aller où bon nous semble, libres de combattre aussi bien le marais que ceux qui s'y acheminent !" (Lénine, Que faire ?).
Pour notre part, et loin d'une supposée "rigidité" qui nous opposerait à la volonté de "discussion (soi-disant) ouverte" revendiquée par les uns et les autres, nous n'avons eu de cesse, depuis notre constitution comme fraction au sein du CCI, de susciter, soulever et participer à des "débats" qui comportent des enjeux politiques réels, c'est-à-dire qu'au-delà des combats politiques que nous menons contre l'influence de l'idéologie bourgeoise au sein de notre classe (poids du conseillisme, de l'anarchisme, du démocratisme, de l'individualisme...), nous privilégions les débats avec et autour des principales organisations du camp politique prolétarien, en référence avec ces pôles historiques, et cela afin de favoriser au maximum le processus de regroupement et de clarification politiques, dans la perspective de la constitution du parti[4].

Les erreurs politiques

Contrairement à la thèse conseilliste que reprennent les camarades des CIK lorsqu'ils s'appuient sur les arguments de Controverses, l'existence des organisations politiques du prolétariat est une nécessité permanente aussi bien dans la période d'ascendance du capitalisme que dans sa période historique de déclin ; et aussi bien dans les périodes de flux que dans les périodes de reflux de la lutte du prolétariat. Cette nécessité permanente est confirmée, vérifiée, par le combat permanent des communistes, à commencer par Marx et Engels - contrairement ce que reprennent les CIK -, pour la construction, le développement, la défense et même le maintien des organisations existantes. Loin d'être du "fétichisme organisationnel", ce combat permanent pour l'existence de l'organisation communiste comme expression la plus avancée de la conscience de classe est d'abord et avant tout un combat politique de confrontation et de clarification politiques qui est fait de regroupements, de ruptures, de scissions, et même de disparitions d'organisations. Il s'agit du combat pour l'homogénéité et l'unité politiques des avant-gardes politiques du prolétariat. Par contre, la fonction et la réalité formelle de ces organisations révolutionnaires sont, elles, dépendantes des périodes historiques : organisations de masse dans la période d'ascendance du capitalisme, organisations minoritaires dans sa décadence ; forme parti dans les périodes de développement massif des luttes du prolétariat et forme "fraction" dans les périodes de reflux[5].

Il convient donc de tordre le cou à cette thèse conseilliste selon laquelle les organisations communistes naissent et disparaissent mécaniquement en fonction du développement et du reflux de la lutte des classes. Dire que telle fut la compréhension et la pratique de Marx et Engels, puis dans leur foulée de toute l'histoire du mouvement communiste, est une falsification de l'histoire.

Marx-Engels, la Ligue des communiste et la 1° Internationale

Nous ne pouvons revenir ici en détail sur les conditions de la dissolution de la Ligue des communistes (1852) et de la 1° Internationale (1872-1874). La thèse souvent avancée par les militants qui tournent le dos à la nécessité de l'organisation et du parti est que Marx et Engels auraient délibérément dissous ces organisations afin de se dédier aux études théoriques face au reflux de la lutte des classes. Et ils en profitent pour faire un parallèle avec leur situation d'aujourd'hui.

Ce parallèle est déjà particulièrement fallacieux dans la mesure où les périodes historiques sont complètement différentes. A l'époque de la Ligue et de l'AIT, le capitalisme était en pleine ascendance et les conditions de la lutte des classes bien différentes de celles qui prévalent suite à la 1° Guerre mondiale et à la vague révolutionnaire qui la suit. Même, les conditions qui prévalent entre la Ligue et l'AIT sont elles-aussi bien différentes : la première se trouve confrontée au fait que le prolétariat commence à peine à se constituer comme classe, qu'il est une classe en formation. Cela détermine la forme et l'action même de la Ligue en comparaison de l'AIT. "Le mouvement international du prolétariat américain et européen est à cette heure [1890] devenu tellement puissant que non seulement sa forme première et étroite - la Ligue secrète - mais encore sa seconde forme, infiniment plus vaste -- l'Association publique internationale des travailleurs -- lui est devenue une entrave, et que le simple sentiment de solidarité, fondé sur l'intelligence d'une même situation de classe, suffit à créer et à maintenir, parmi les travailleurs de tout pays et de toute langue, un seul et même grand parti du prolétariat" (Engels, 1890, Quelques mots sur l'histoire de la Ligue des communistes).

Mais surtout, la dissolution de la Ligue ne fait qu'entériner une situation de fait, à savoir l'éclatement réel de la Ligue au sein de laquelle il n'y a plus aucune unité politique : "Bref, la réserve que nous préconisions n'était pas du goût de ces gens ; il fallait essayer de déclencher des révolutions ; nous nous y refusâmes de la façon la plus absolue. La scission se produisit comme on le verra dans les Révélations" (idem, nous soulignons).

Le caractère fallacieux d'un supposé "détournement" de Marx et Engels de l'activité de parti est encore plus manifeste avec l'exemple de la dissolution de la 1° Internationale. Là non plus, nous ne pouvons revenir en détail. Néanmoins, la dissolution effective de l'Internationale a lieu en 1874 [6]. Loin de se détourner de toute tâche de "regroupement", de parti, Marx et Engels, qui ont essayé de préserver l'organisation en en déplaçant le centre à New-York, n'ont de cesse, dans les années qui suivent, de favoriser et d'intervenir dans la formation du parti allemand au point de poser, dès... 1875, leurs conditions politiques pour pouvoir y adhérer[7]. La légende d'un Marx se retirant pour la réflexion théorique n'est qu'une déformation de la réalité historique.

Derrière cette "interprétation" de l'histoire, repose une vision politique qui oppose la réflexion et l'approfondissement théorico-politique aux "luttes de parti", c'est-à-dire aux débats, discussions, confrontations de positions, y inclus ce que l'on traite de « chamailleries » de fraction. Or, l'expérience du mouvement ouvrier montre au contraire que ce n'est pas la réflexion "pure", débarrassée des contingences immédiates, qui est la plus favorable aux avancées théoriques et politiques, mais bel et bien les confrontations et polémiques de parti. N'est-ce pas là justement l'histoire des fractions ?

L'histoire des fractions

Nous ne revenons pas non plus ici sur l'histoire et le rôle des fractions - Lénine, Rosa Luxemburg, Pannekoek, etc... - dans la 2° Internationale que le texte des camarades laisse de côté. Pourtant cette histoire est justement le combat pour l'organisation et sa défense contre l'opportunisme et le révisionnisme.

Est tout aussi fallacieuse que la référence à Marx et Engels celle à Bilan, pour justifier la dissolution des organisations politiques prolétariennes. Certes, les CIK ne s'y réfèrent pas. Néanmoins, et dans la mesure où ils s'appuient sur ce que disent les responsables de Controverses - qui prennent l'exemple de Bilan après celui de Marx et Engels, pour justifier leur propre éloignement des « chamailleries » et liquider les organisations actuelles -, nous entendons y répondre ici. Bilan, c'est-à-dire la Gauche italienne en exil en France et en Belgique, est issu du Comité d'Entente (1925) qui est le premier regroupement interne au Parti communiste italien pour s'opposer à la bolchévisation du parti, laquelle marque la prise du pouvoir de l'opportunisme au sein du parti et de l'Internationale. Loin de s'éloigner des « chamailleries » de parti pour se dédier à "tirer le bilan" théorico-politique" de l'expérience révolutionnaire, la Gauche italienne combat pied à pied dans le parti - malgré les exclusions - au point de présenter des Thèses au congrès de Lyon en 1926. Mieux même, et au moins certains militants de Controverses devraient s'en souvenir [8], les membres de la Fraction continuaient à essayer d'intervenir malgré les risques physiques dans les réunions des PC stalinisés dans les années 1930.

Ces déformations de la réalité historique ont des implications politiques très concrètes et surtout très dangereuses. Certes, les CIK [9] dans leur texte expriment surtout des contradictions qui révèlent leur hésitation entre deux chemins opposés et leur volonté insensée de les concilier, ce qui les conduit aux erreurs historiques et politiques et à une position centriste dans le moment présent du combat pour le parti. Mais le texte de Controverses duquel ils reprennent les arguments est beaucoup plus conséquent, comme l'ont clairement relevé (et critiqué) les CIK eux-mêmes. Effectivement, les conséquences et implications politiques de ce texte est d'appeler "à saborder les trois principales organisations actuelles de la Gauche communiste". Il est clair que, pour notre part, nous ferons tout ce qui est notre possible, pour défendre et sauver ces organisations. Deux lignes, deux perspectives diamétralement opposées, l'une excluant l'autre. A ce titre, nous entendons combattre le texte de Controverses.

Controverses appelle à la liquidation des organisations du camp prolétarien

Selon Controverses, "assurément, il est minuit dans le siècle de la Gauche communiste car cela fait maintenant trois décennies que ce courant est traversé par une crise politique et organisationnelle très profonde". Ce constat serait dû au décalage entre la réalité des luttes, particulièrement dans les années 1980, et une vision trop optimiste de celles-ci, en particulier avec l'analyse du CCI d'alors sur "les années 1980, années de vérité". Ce qui est vrai pour le CCI le serait aussi pour le PCI "bordiguiste" qui voyait la révolution en 1975. Relevons déjà en passant que cet argument, la critique de l'analyse du CCI sur les années 1980, a surtout été utilisé par le... BIPR qui ne partageait pas du tout cette analyse. Il faudra donc que Controverses trouve une autre explication pour appeler à la dissolution du BIPR.
Mais surtout, ce constat - erroné et extrêmement dangereux politiquement, nous y revenons - s'appuie sur le supposé sabordage par Marx et Engels de la Ligue des communistes et de la 1° Internationale que nous avons déjà abordée plus haut [10]. Nous aurions beaucoup à dire aussi sur les raccourcis, et même sur l'utilisation des citations de Marx et Engels, du texte de Controverses afin de montrer que le maintien en vie des organisations du prolétariat dans les périodes de recul des luttes ne peut que les mener à la dégénérescence. Le texte ne fait aucune distinction ni entre les périodes historiques, ni entre les différentes formes d'organisation du prolétariat. Mais surtout, il ignore complètement les luttes politiques qui ont accompagné ces processus de dégénérescence, en particulier le combat des fractions contre ces processus. Il n'évoque que des "petites minorités entre deux vagues de lutte" dont la fonction aurait été limité au seul lien entre l'ancienne et la nouvelle organisation. Il nous suffira de relever le passage suivant pour rejeter comme typique du conseillisme, du rejet de l'organisation et du parti, la démarche actuelle de Controverses : "L'histoire a systématiquement démontré que, fondamentalement, ces dernières [les "expressions politiques organisées"] surgissent tout naturellement au cours des phases d'effervescence sociale et se disloquent lors des périodes de reflux". Plus conseilliste, tu meurs ! Nous ne développons pas plus ici car l'objet de notre critique du texte porte sur un autre aspect, plus immédiat, à savoir sur son objectif politique réel. Non seulement le texte appelle à la liquidation, au sabordage estiment les camarades des CIK, des organisations du camp prolétarien telles qu'elles existent aujourd'hui, mais pire encore il appelle à liquider tout leur héritage théorique, politique et organisationnel.

Revenons donc à la citation qui prétend qu'"il est minuit dans le siècle de la Gauche communiste". Toute une série de constats vient à l'appui de l'affirmation. Certains sont justes tels celui qui soulignent l'incapacité "à instaurer un espace commun de débat". Mais la plupart sont faux et portent en eux une remise en cause de la Gauche communiste. En effet, la thèse est que la Gauche communiste est en crise et n'a plus rien "produit" depuis la fin des années 1970 du fait qu'elle aurait surestimée la réalité de la lutte des classes dans les années 1980.

"L'infléchissement à la baisse du nombre et de l'ampleur des luttes dans l'ensemble de la classe ouvrière dès le milieu des années 1970, et leur recul généralisé dès le début des années 80, seront à l'origine d'un décalage croissant au sein de ce courant : décalage entre une réalité objective marquée par ce reflux et un discours subjectif qui le nie (...). Au lieu de comprendre cet infléchissement et ce recul généralisé des luttes en adaptant leurs orientations et mode d'organisation comme Marx et Engels nous l'avaient appris, les principaux groupes de la Gauche communiste vont persister dans leurs erreurs d'orientation".

A l'appui de cette thèse, surgie de nulle part, en tout cas que ces camarades sortent de leur chapeau aujourd'hui, blancs comme neige, alors même qu'ils ont participé à élaborer et défendre ces analyses durant presque trois décennies, vient d'abord l'argument du nombre de grève et de grévistes. Mais cela sans aucune référence explicite à un quelconque conflit, à une quelconque lutte !

Pas un mot sur la lutte des mineurs en Grande-Bretagne, pas un mot sur les luttes des COBAS en Italie, rien sur les grèves sauvages de cheminots en France et en Belgique, rien non plus sur les luttes dans les services publics, la sidérurgie dans différents pays, en particulier européens. Et surtout rien sur la grève de masse en Pologne ! Toutes ces expériences ouvrières n'ont pas existé selon Controverses. Alors effectivement, si l'on nie ces expériences - auxquelles ces camarades ont pour la plupart directement participé comme militants du CCI -, il est difficile de prendre en considération les avancées de la conscience de classe dans la classe, c'est-à-dire dans les grandes masses ouvrières, que ces expériences ont permises : la remise en cause des syndicats au point que les ouvriers en lutte, s'organisaient, ou tendaient à s'organiser, de manière autonome en coordinations ou COBAS ; l'expérience de la confrontation au syndicalisme de base dans ces organes qui visait à détruire de l'intérieur ces tentatives d'organisation ; la question de l'extension de la lutte et du nécessaire affrontement aux syndicats, c'est-à-dire le combat pour la direction politique des luttes par les assemblées, le combat pour disputer aux syndicats l'organisation et la direction des manifestations de rue ; la question de la généralisation internationale des luttes ouvrières, et combien d'autres expériences encore et leçons politiques tel que le rejet des partis de gauche, et particulièrement des partis staliniens...

Nous laisserons aussi de côté ici l'affirmation que les groupes n'ont "plus connu de processus de regroupement (...) comme durant les années 1970". La constitution du BIPR n'est-elle pas un regroupement ? La constitution des sections du CCI en Suède et au Mexique ne font-elles pas partie d'un processus de regroupement ?...

Défendre le CCI contre les attaques de Controverses

Si l'on nie toute l'expérience des années 1980, alors effectivement les avancées théoriques et politiques que les organisations communistes ont accompli n'ont pas non plus existé (le lecteur nous pardonnera de nous référer presque uniquement aux avancées de notre organisation, le CCI). Il suffit pourtant de prendre les Revue internationale du CCI des années 1980, de lire leur sommaire, pour voir à quel point cette organisation s'est prononcée, a clarifié, approfondi, s'est réappropriée aussi des questions théoriques et politiques. Citons juste quelques unes en lien direct avec la réalité de la lutte des classes des années 1980 : sur le parti (parmi d'autres :Sur le parti et ses rapports avec la classe, 1983) ; l'indispensable rôle actif, "partie-prenante" disions-nous, des organisations communistes dans les luttes, leur rôle de direction politique, et donc leur présence au premier rang de l'affrontement aux syndicats et gauchistes (cf. une grande partie des éditoriaux de la revue tout au long de ces années) ; la distinction conscience de classe et conscience dans la classe ; Les conditions historiques de la généralisation de la lutte de la classe ouvrière (1981) et le processus de la grève de masse ; le cours historique ; mais aussi, la "critique de la théorie du maillon faible" qui définissait le rôle historique central du prolétariat d'Europe occidentale (Le prolétariat d'Europe occidentale au centre de la généralisation de la lutte de classe, 1982) en opposition à la position du BIPR de l'époque sur la question (cf. ses Thèses sur les tactiques communistes dans les pays de la périphérie capitaliste) ; le fonctionnement des organisations révolutionnaires ; l'opportunisme et le centrisme dans la période de décadence (1986) ; la lutte contre le modernisme et le conseillisme ; la défense de la théorie de la décadence : Comprendre la décadence du capitalisme (1987) ; la défense des fractions dans l'histoire du mouvement ouvrier ; la guerre impérialiste et l'alternative guerre ou révolution ; la Guerre, militarisme et blocs impérialistes dans la décadence du capitalisme (1988) ; sur le jeu politique de la bourgeoisie face au prolétariat, Machiavélisme, conscience et unité de la bourgeoisie, etc...

Nous sommes sûrs de pouvoir trouver, peut-être à un degré moindre, tout une série de textes produits par le BIPR et même parmi les groupes bordiguistes qui ont survécu, qui participent tous de cet approfondissement et de ces avancées théoriques et politiques tout au long de ces années.

Ce que nous propose donc aujourd'hui Controverses, c'est d'ignorer tout cela, de faire comme si cela n'avait pas existé. Il s'agit là de la vieille rengaine "moderniste", sous une couverture plus soignée, qui prétend rejeter les apports des organisations du mouvement ouvrier et s'inscrire dans l'innovant. Alors, à l'image de tous ceux qui pataugent dans le milieu conseilliste d'aujourd'hui, et particulièrement autour de Perspective internationaliste, les camarades de Controverses affirment leur volonté de discuter avec tout le monde, loin des « chamailleries », c'est-à-dire aussi sans compte à rendre à qui que ce soit, "librement", c'est-à-dire sans référence aux débats du passé, sans référence aux principaux "fournisseurs" d'avancées théoriques et politiques de nos jours, à savoir les organisations du camp prolétarien - que l'on soit d'accord ou pas avec les positions développées ne change rien à la méthode. Bref, ils veulent bien discuter de tout sauf de ce qui... fâche : les divergences politiques réelles et les prises de position qui engagent.

S'il ne s'agissait que de cela, ce ne serait pas trop grave. Mais il y a pire. Profitant du sectarisme et des faiblesses politiques des principales organisations de la Gauche communiste, Controverses et la mouvance qui s'agglutine actuellement autour de cette revue semblent offrir une alternative à ses faiblesses auprès des éléments dispersés et isolés qui se rapprochent de la Gauche communiste et qui sont désemparés face à sa situation. Elle les mène à l'impasse et à la négation de la Gauche communiste réelle, celle qui existe aujourd'hui et autour de laquelle il faut se regrouper malgré ses faiblesses. La responsabilité première n'en revient pas à Controverses, mais bel et bien à la dérive opportuniste gravissime du CCI et aux hésitations et manque d'assurance, pour ne pas dire tendance au sectarisme, de la Tendance communiste internationaliste.

Néanmoins le combat politique contre la fausse alternative que proposent les camarades de Controverses, c'est-à-dire le combat politique contre le danger du conseillisme - surtout aujourd'hui que le CCI tire un trait d'égalité entre la Gauche communiste et l'anarchisme -, n'en reste pas moins nécessaire. Voilà comment nous avions averti ces camarades et l'ensemble du camp contre leur démarche dès leurs premières apparitions et publication publiques :

"Enfin, un petit commentaire rapide sur le Forum pour la Gauche communiste internationaliste : il s'agit donc, apparemment, de militants ayant quitté dernièrement le CCI. Nous avons pris connaissance du premier numéro de Controverses. Et disons-le sans fard, cette première lecture indique que ces camarades semblent vouloir prendre un chemin qui ne peut que les mener à la confusion politique et à la remise en cause des acquis du CCI et de la Gauche communiste. Déjà, en terme de méthode : ils ne disent pas quel a été leur parcours politique, ce qui les a amené à rompre avec le Courant et donc ne semblent pas vouloir s'inscrire dans la revendication, critique, d'une continuité théorique, politique et organisationnelle. Conséquence politique immédiate de ce rejet de tout cadre théorico-politique impératif et contraignant lié à leur histoire : d'une part, ils ne s'engagent pas dans un combat au sein du CCI pour défendre leurs positions et assumer leur opposition à la politique actuelle, et d'autre part ils se sont jetés avec un enthousiasme sans fondement, autre que la bonne volonté s'exprimant dans le désir de "surmonter tous [les] legs du passé", à savoir la dispersion, les profondes divergences et les "blessures douloureuses [des] avant-gardes du prolétariat", sur l'Appel de PI au point d'en être devenus le principal et zélé propagandiste en Europe. Ils sont donc "libres" de toute continuité et de toute référence. La conséquence la plus évidente et la plus immédiate de cette "liberté" recherchée d'avec leur propre passé politique, se retrouve par exemple dans le texte sur la situation internationale de leur revue, Tendances et paradoxes de la scène internationale. Ce texte, sans aucune référence aux analyses et positions développées par les principaux groupes communistes, sans aucune référence même au CCI et à ses positions opportunistes en la matière, est incapable de dégager une quelconque perspective pour le monde capitaliste et se refuse à prendre position sur les principales questions théoriques et politiques qui se posent aux révolutionnaires : est-ce que l'alternative historique posée par le marxisme, guerre ou révolution, reste valable ? Est-ce que le monde capitaliste s'oriente vers un renforcement des contradictions entre les plus grandes puissances impérialistes dont la dynamique propre ne peut déboucher que sur une troisième guerre mondiale généralisée ? Est-ce que la guerre impérialiste reste une question centrale à laquelle est confronté le prolétariat international ? Tout en reprenant une vision s'apparentant à celle de la théorie de la décomposition du CCI actuel, l'article n'en dit pas un mot. Nous aurions d'autres critiques, tant sur la méthode et la démarche des camarades donc, qui ne peuvent, selon nous, que les mener à s'éloigner, à quitter, le terrain du marxisme et du combat politique communiste, que sur des prises de position qui en découlent, mais tout cela mériterait une critique plus élaborée de notre part que nous ne pouvons accomplir ici. Néanmoins, il nous semblait impossible d'ignorer l'apparition de ce Forum et de ne pas en informer nos lecteurs et le camp prolétarien" (Bulletin 47 de la Fraction interne du CCI, Présentation sur l"Appel au milieu pro-révolutionnaire » Nous soulignons aujourd'hui).

Malheureusement, notre prédiction était largement en deçà de ce que ce groupe a développé depuis. Aujourd'hui, les camarades de Controverses en arrivent à appeler presque ouvertement au sabordage du CCI et de la TCI et surtout à l'oubli, l'ignorance, bref à la liquidation, des débats et des avancées théoriques et politiques de trois décennies !

Nous disons aux CIK, que même si nous maintiendrons avec les membres de Controverses une attitude fraternelle, nous voyons mal comment nous pourrons sur cette base, dans ce cadre, mener des discussions réelles, "positives", avec toute cette mouvance conseilliste. Nous ne pouvons que la combattre comme nous avons combattu l'Appel au milieu "pro-révolutionnaire" de Perspective internationaliste. Nous espérons que, contrairement à Jung, ils "se laisseront (...) convaincre qu'il existe une différence de principe entre nous et" les camarades de Controverses, qu'ils ne s'en tiendront pas "à l'opinion qu'il s'agit uniquement de chamaillerie personnelle" pour paraphraser Marx cité au début de ce texte.

Le cours historique actuel et le danger du conseillisme

"Nous pensons que le conseillisme constitue le plus grand danger pour le milieu révolutionnaire dès aujourd'hui, et bien plus que le substitutionnisme [les visions du parti défendues en particulier par le courant "bordiguiste"], il deviendra un très grand péril pour l'intervention du parti dans les luttes révolutionnaires futures. (...) Si le substitutionnisme constitue un danger surtout en période de recul dans la vague révolutionnaire, le conseillisme est un danger bien plus redoutable, surtout dans la période de montée de la vague révolutionnaire" (Revue internationale 40 du CCI, 1985, Le danger du conseillisme [11]).

Les CIK citent un texte d'Internationalisme (GCF) de 1947 - rédigé par le camarade MC - pour appui à leur avis selon lequel il convient d'ouvrir la discussion et les débats à tous les éléments et groupes qui prétendent se revendiquer de la Gauche communiste, indépendamment de leur dynamique et de leur histoire. Il s'agit là, selon nous, d'une erreur dangereuse. D'une part, nous ne pouvons mettre sur le même plan les groupes historiques et les groupes et éléments isolés qui cherchent à se regrouper - à se réfèrer - autour d'eux d'une part et, d'autre part, les groupes et individus qui rejettent ces organisations, le cadre historique et collectif qu'elles portent, et qui appellent même à leur disparition - Controverses exprimant tout haut, c'est son mérite, ce que les autres pensent et souhaitent tout bas. D'autre part, et du fait même des faiblesses - le sectarisme en particulier - des groupes historiques qui structurent le camp prolétarien, ou milieu politique prolétarien, "ouvrir la discussion à toutes les bonnes volontés", c'est-à-dire sans méthode et exclusive, signifie concrètement aujourd'hui, dans la réalité, plonger dans le milieu anti-parti, dans le marais dont le groupe conseilliste Perspective internationaliste est l'expression la plus caricaturale.

Le texte d'Internationalisme cité, rappelons-le en passant, n'appelle pas à la dissolution des groupes révolutionnaires face à la pire des situations contre-révolutionnaires. Mais surtout, la période de contre-révolution extrême dans laquelle il se situe, et ses conséquences sur l'activité des groupes communistes, ne peut être comparée à celle d'aujourd'hui. Malheureusement, les CIK ne prennent pas en compte - c'est un débat que nous avons à ce jour à peine abordé avec les camarades malgré, pour le moins, des incompréhensions sinon des divergences - la réalité du cours historique actuel de la lutte des classes. Si on peut "comprendre", sans les partager, les hésitations que des camarades pouvaient avoir il y a quelques années encore pour reconnaître l'existence d'une dynamique historique vers des confrontations de classes décisives, l'explosion de la crise et les réactions ouvrières croissantes et massives sur tous les continents sont depuis lors venues largement confirmer la réalité d'un cours historique vers des confrontations massives de classes. Et c'est justement le moment où on nous invite à dissoudre les organisations de la Gauche communiste et à faire table rase de leurs expériences ! Au moment même où le prolétariat en lutte va de plus en plus avoir besoin, un besoin crucial, de ses expressions les plus avancées, les plus hautes, les plus conséquentes, de sa propre conscience de classe, on nous demande de les détruire !

Paraphrasant la citation, nous sommes en droit de demander aux camarades si "les conditions et les facteurs qui ont déterminé la plus profonde défaite du prolétariat et la nuit historique de la période présente [celle de 1947] dans laquelle a sombré le mouvement ouvrier révolutionnaire ne sont [elles pas] épuisées" depuis lors ? N'y-a-t-il eu aucune "modification du cours avant la généralisation de la prochaine guerre impérialiste" que la GCF voyait comme imminente ? Surtout depuis l'éclatement de la crise ouverte et les réactions ouvrières internationales qui se font jour maintenant. En conséquence, "les révolutionnaires [d'aujourd'hui en 2010] ne peuvent [-ils] prétendre exercer une influence directe et efficace sur les événements" ? N'être que "des îlots, des hommes allant consciemment et volontairement contre le courant (...) forcément isolés des grandes masses du prolétariat" [nous soulignons] ?

Pris par leur désir centriste de concilier les thèses de Controverses et les nôtres, entre l'appel explicite à la liquidation des organisations communistes d'aujourd'hui et l'appel à les défendre et les renforcer, les camarades finissent par dénaturer le sens politique du texte d'Internationalisme et à concéder finalement que les groupes communistes d'aujourd'hui ont commis l'erreur de "s'évertuer à subsister". Nous avons vu que l'explication des conseillistes à propos de ce qu'ils appellent la "faillite" du camp prolétarien, de ce que nous considérons comme les faiblesses et insuffisances de ce camp, ne tient pas la route et porte en elle, dans un premier temps, l'abandon de l'expérience et des acquis politiques de décennies et in fine l'abandon du cadre politique, théorique, programmatique et organisationnel de la Gauche communiste.

Nous avons aussi vu que le soit-disant recul des luttes dans les années 1980 était inexistant - même s'il y a eu des avancées et des reculs durant cette période bien évidemment - et qu'il ne pouvait donc expliquer le pourquoi des difficultés du camp prolétarien aujourd'hui. D'autant qu'il n'y a pas de lien mécanique entre les aléas du développement de la lutte des classes et le développement des organisations communistes - des périodes de recul pouvant très bien correspondre à des moments de renforcement politique et même numérique des organisations.

Les faiblesses du camp prolétarien sont à la fois beaucoup plus profondes, plus "historiques", et en même temps la situation historique actuelle favorise leur dépassement. Appeler à la dissolution des groupes communistes d'aujourd'hui alors que la situation est au développement massif des luttes ouvrières n'en est que plus stupide et dangereux. En effet, les difficultés des forces communistes sont de trois ordres :

- elles continuent à souffrir, comme la classe ouvrière dans son ensemble, du poids de la contre-révolution, en particulier du stalinisme. Jamais dans son histoire auparavant, le prolétariat n'avait subi une période aussi longue, 50 ans, de contre-révolution. Une des expressions principales du poids de celle-ci sur le prolétariat et ses minorités d'avant-garde est justement la crainte du "politique", la sous-estimation et le rejet du rôle actif, dirigeant, des organisations communistes et de la conscience de classe, le rejet de l'affrontement politique avec les forces du capital et tout particulièrement avec son État. Bref, une des expressions du poids négatif de la contre-révolution est justement le conseillisme sous toutes ses variantes ;

- elles souffrent aussi, autre conséquence de la contre-révolution, de la rupture organique d'avec les organisations précédentes. Jamais la classe ouvrière et ses minorités politiques n'avaient connu une coupure aussi nette et aussi longue avec les organisation du passé. Les liens qui subsistent encore aujourd'hui sont si ténus, si minces - seuls le PCInt-Battaglia comunista et les PCInt "bordiguistes" peuvent formellement en revendiquer [12] - qu'il faut prendre en compte qu'il y a eu une véritable rupture de la continuité organique [13] ;

- enfin, le renforcement de la bourgeoisie au niveau de ses armes anti-prolétariennes, surtout aux plans idéologique et politique qu'elle a su développer dans la période de décadence. Le développement du capitalisme d'État ne touche pas qu'au plan économique. Ce sont tous les secteurs de la société que l'État capitaliste s'est ingénié à occuper et à absorber. Les conséquences pour les conditions de vie et de lutte du prolétariat en sont d'importance : il n'y a plus de possibilité de vie politique permanente - Bourse du travail, syndicats de masse, partis de masse, etc... - pour le prolétariat et l'État capitaliste fait tout pour éliminer et faire taire toute expression qui lui soit opposée par sa main-mise sur tous les rouages de la société - nous ne pouvons développer ici - et tout particulièrement sur les petites organisations communistes.

Et pourtant, cette situation ne doit pas nous inviter à baisser les bras. Au contraire, à l'opposé des conseillistes, les communistes s'accrochent d'autant plus à la question de l'organisation politique du fait que l'État capitaliste est devenu totalitaire comme jamais. Autant la pression sur les groupes communistes est énorme, autant nous devons nous accrocher à ceux-ci. Si nous attendons que le prolétariat fasse surgir spontanément, mécaniquement, du développement de sa lutte, les organisations communistes et le parti, alors nous nous retrouverons à coup sûr dans la situation du type de l'Allemagne en 1918. Et même en pire. Alors, nous le savons, c'est la défaite assurée. Comme nous l'avions déjà dit, entre Berlin 1918 et Petrograd 1917, nous choisissons sans aucune hésitation 1917.

Aussi petits soient les petits groupes communistes, et quelle que soient leurs faiblesses, ils sont le lien indispensable qu'il faut maintenir à tout prix afin de pouvoir doter le prolétariat au plus vite de sa principale arme : l'expression organisée et la plus haute de sa conscience de classe, le parti communiste. Ils sont le dernier fil qui nous relie à ce passé si précieux et certains veulent nous le couper ! C'est criminel. Qu'ils ne s'étonnent pas de nous trouver à les combattre de toutes nos forces.

Décembre-janvier 2010-2011

La Fraction de la Gauche Communiste Internationale

Site web : http://fractioncommuniste.org/

Courriel : inter1925@yahoo.fr

Notes :

1.http://www.leftcommunism.org/spip.php?article169

2. Ou encore : "Cependant, avec Controverse, nous pensons qu'une organisation s'évertuant à subsister malgré un cours historique défavorable, qui ne produit plus de luttes à fort contenu théorique, risque considérablement de ne plus se comporter (...) en tant qu'organisation révolutionnaire et risque plutôt, dans cette période, de se comporter telle une pathétique secte d'élus"

3. Ce que le texte de Controverses appelle « chamaillerie ».

4. Quelle autre expression de refus du débat, de la discussion, et donc expression de sectarisme réel, que l'ignorance systématique des prises de position officielles des autres groupes communistes, tout particulièrement le silence sur leur congrès et autres réunions générales ? Pour notre part, nous avons pris position sur pratiquement tous les congrès que le CCI a tenus depuis 2001 tout comme nous l'avons fait sur la conférence du BIPR en 2008.

5. Le lecteur nous pardonnera la forme rapide et simple sous laquelle nous présentons à très grands traits les différentes formes que prennent, plus exactement sont contraintes de prendre, les organisations communistes selon les périodes. Il nous pardonnera aussi de ne pas développer ici les différences de fonction entre les formes parti et fraction. Il pourra toujours se référer aux textes sur le sujet que notre Revue internationale du CCI a pu publier tout au long des années 1970-1990.

6. "Par ton départ [celui de Sorge en aout 1874 du Conseil général de l'Internationale], la vieille Internationale a complètement cessé d'exister" (Engels à Sorge, septembre 1874).

7. cf. Lettre d'Engels à Bebel, mars 1875 : "Marx et moi ne consentirions jamais à adhérer à un parti nouveau édifié sur cette base".

8. Le camarade MC aimait à raconter aux jeunes militants que nous étions alors, comment les membres de la Fraction italienne s'organisaient "physiquement"pour pouvoir intervenir dans les réunions publiques des staliniens malgré les coups et les agressions, certains parfois y allant même avec un pistolet dans la poche.

9. Sans doute est-il plus juste à ce jour de parler du texte des camarades que des CIK eux-mêmes dans la mesure où, jusqu'à présent, ils s'étaient inscrits résolument dans le combat pour le parti et avaient rejeté les approches conseillistes au point de rejeter l'Appel au milieu pro-révolutionnaire de Perspective internationaliste.

10. De ce point de vue, le lecteur nous pardonnera cette parenthèse, il est, pour nous, pour le moins cocasse de relever que des militants, ceux de Controverses, viennent aujourd'hui sans aucune explication sur leur position et pratique passées prôner la dissolution de l'organisation au moindre coup de vent contraire venu. En effet, n'ont-ils pas participé à notre exclusion du CCI en 2001-2002, pour certains d'entre eux au premier rang, au nom de la « défense de l'organisation », c'est-à-dire qu'ils étaient embourbés dans le fétichisme d'organisation ? Alors même que nous leur affirmions que l'unité politique de l'organisation n'était plus. Il n'y a là qu'une contradiction apparente. En fait, que ce soit hier ou aujourd'hui, il s'agit, chez eux, de la même démarche et de la même erreur : un profond rejet (ou, au mieux, une incompréhension) du cadre collectif, des organisations politiques du prolétariat, comme lieu privilégié et indispensable, et même comme lieu unique dans la période actuelle pouvons-nous avancer, de la réflexion et de l'action communistes, des débats réels et des confrontations réelles de positions, des combats et de l'affrontement des oppositions. Le rejet "fétichisé" de l'organisation qui est le produit bien souvent d'une conception individualiste du militantisme, voire de la déception face au caractère collectif et anonyme de l'engagement et des luttes politiques dans l'organisation communiste, n'est que le calque inversé, sinon le résultat direct, du fétichisme de l'organisation qui, lui aussi, s'accompagne tout aussi souvent d'une conception tout aussi individualiste que la première, du rapport du militant à l'organisation - en particulier d'une vision mystifiée et "sacrificielle" de l'engagement communiste que nous avions qualifiée dans le CCI de "militantisme intégral".

11. http://fr.internationalism.org/rinte40/conseil.htm. Pour notre part, nous continuons à nous revendiquer de la position que le CCI avait définie alors sur le danger du conseillisme. Qu'en disent le CCI d'aujourd'hui et les membres de Controverses ?

12. Encore que leur refus, ou réticences, de se revendiquer de la Fraction italienne en exil (Bilan), seule continuité organique alors avec le PC d'Italie, en atténue encore plus la réalité.

13. Nous ne pouvons ici revenir sur les conséquences négatives profondes de cette rupture organique. Mentionnons parmi celles-ci le sectarisme qui n'avait jamais autant sévi au point que les communistes d'aujourd'hui sont incapables à ce jour de reprendre les traditions passées dans les relations entre groupes et courants, au point qu'ils s'ignorent et se décrètent "l'axe, ou la colonne vertébrale, du futur parti".

mardi 8 février 2011

L'Égypte en flammes

Une puissante vague de colère des masses arabes misérables et sans travail ébranles le jeune, vorace et brutal capitalisme des pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient soutenu par le vieux et sanguinaire capitalisme d’Europe et d’Amérique. Anticipation d’une vague sociale qui ne pourra être résolue en faveur de la grande majorité de la population que par l’entrée en scène de la classe prolétarienne.

Depuis 5 jours les rues du Caire, d’Alexandrie de Suez et de beaucoup d’autres villes égyptiennes sont le théâtre d’une formidable vague de colère des masses qui ne supportent plus de vivre dans le chômage, la misère et la faim: après la Tunisie et l’Algérie c’est maintenant le tour de l’Egypte.


Les médias de l’opulent monde occidental, qui ne peuvent plus maintenant cacher la sauvage répression policière, centrent toutes leurs informations sur le «manque de réformes» et l’absence d’une «véritable démocratie»! Il a fallu attendre que les masses, bravant la répression, fassent éclater leur colère en attaquant des édifices publics, brûlant ce qu’ils pouvaient, jetant des pierres, renversant des blindés, s’affrontant au corps à corps avec la police, défiant le couvre-feu et les tirs des forces de répression, pour que ces médias reconnaissent que ces régimes soudoyés, protégés et armés par les démocraties occidentales et en premier lieu les Etats-Unis, ont maintenu l’ordre et le contrôle social par une violence policière systématique et généralisée; qu’ils ont arrêté, torturé et fait taire toute opposition par tous les moyens, pour avoir les mains libres et accumuler en quelques années d’énormes richesses pour leurs clans – et leurs parrains étrangers.

Les timides demandes faites par les Obama, Merkel, Sarkozy et cie au régime de Moubarak (et auparavant à celui de Ben Ali) pour qu’il fasse de façon urgente des concessions afin de répondre aux demandes les plus urgentes des masses (pain et travail, en définitive) démontrent à quel point les impérialistes ont été surpris par la vague d’émeutes qui s’étendent dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient.


Les Démocraties occidentales se soucieraient-elles soudainement de la misère que connaissent depuis des années les prolétaires et les masses paysannes de ces pays?


Pas le moins du monde! Dans des pays où le capitalisme se développe de la seule manière possible, étant donné la concurrence impérialiste sans pitié qui impose aux populations du monde entier une oppression économique, sociale et militaire, c’est-à-dire de la manière la plus sauvage et brutale que l’histoire ait connu; dans des pays où le mode de production capitaliste prétendait amener le bien-être et la civilisation, il n’y a pas d’autre perspective pour les masses laborieuses que l’exploitation, la répression, la misère et la faim. Ces régimes qui depuis des décennies comme en Egypte ou en Tunisie écrasent leur peuple et qui aujourd’hui reçoivent en retour une très petite fraction de la violence autrefois infligées aux masses, ont été pendant tout ce temps des points d’appui des puissances impérialistes «démocratiques» qui dominent le monde.


Face à l’irrésistible explosion de colère des masses arabes déshéritées Washington, Berlin, Paris, Rome, Londres et Bruxelles, adressent au Caire, comme hier à Tunis et à Alger, le conseil de permettre la liberté d’expression, de réaliser des réformes, d’arrêter la répression.... Paroles vides qui ne servent qu’à faire croire qu’avec plus de «démocratie», moins de corruption et moins de brutalité des autorités, la situation des masses s’améliorerait. Les dirigeants occidentaux savent par expérience que les mille cartes de la «démocratie» peuvent être jouées dans différents scenarios pour dévier les luttes des masses vers des objectifs qui ne remettent pas en cause le capitalisme, mais se limitent à des changements de gouvernement. Ce n’est pas par hasard que dans les manifestations les divers partis d’opposition mettent en avant la revendication: «Ben Ali, dégage!»,

«Moubarak, dégage!» ; ils veulent seulement profiter des émeutes pour remplacer les clans des Ben Ali et des Moubarak dans les gouvernements de ces pays.

Qu’est-ce que cela changera fondamentalement pour les masses? Rien.


Avec seulement un peu plus de liberté d’expression et d’élections libres, ce sera la continuation de l’exploitation brutale des masses prolétarisées que le capitalisme inflige sous tous les cieux, mais avec l’aggravante que s’y ajoute l’oppression impérialiste qui remplit les coffre-forts des bourgeoisies américaine et européenne et leur permet d’acheter la complicité des organisations réformistes contrôlant leurs propres prolétaires!


Les émeutes qui secouent le monde arabe aujourd’hui annoncent des tensions et des émeutes en Europe: la Méditerranée, le mare nostrum des anciens romains, pourrait se transformer en lac de feu incendiant le Vieux Continent parce que la crise économique qui a fait vaciller les économies occidentales et dont les conséquences, retardées mais inexorables, s’abattent sur les pays de leur périphérie, ne pourra être surmontée par la capitalisme qu’en opprimant encore davantage les masses prolétariennes du monde.


Les prolétaires nordafricains, moyen-orientaux et albanais crient au monde par leurs émeutes de ces dernières semaines, que le capitalisme n’est pas en mesure de satisfaire les exigences élémentaires des masses et que cette situation intolérable doit changer. Les prolétaires d’Europe et d’Amérique les regardent avec surprise, inquiets mais également contents de révoltes qui mettent en fuite des gouvernants sanguinaires. Les prolétaires des pays les plus riches de la planète, qui ont connu eux aussi une détérioration constante de leurs conditions de vie et de travail, n’ont pas la force de se révolter de la même façon. Ils ont été éduqués dans le respect de la «légalité démocratique», ils sont intoxiqués depuis des décennies par le mythe d’une démocratie dont ils constatent chaque jour l’impuissance à résoudre leurs problèmes de vie quotidienne, mais dont ils n’arrivent cependant pas à se libérer pour laisser s’exprimer la révolte que tout esclave ressent inévitablement.


Mais les prolétaires des vieux pays capitalistes ont cependant une histoire de luttes de classe, de luttes révolutionnaires non seulement contre les anciens régimes féodaux, mais aussi contre le capitalisme. C’est cette histoire qu’ils peuvent et qu’ils doivent se réapproprier s’ils ne veulent pas rester éternellement soumis à leurs bourgeoisies impérialistes; il leur faut redécouvrir les enseignements des glorieuses luttes de classe du passé et des véritables révolutions sociales qui ont fait trembler toutes les puissances impérialistes!


Si les prolétaires du Maghreb et du Moyen-Orient qui se sont dressés contre leurs régimes, se laissent canaliser dans la voie de la démocratie et des élections prétendument non truquées vers où les orientent les partis d’opposition, ils ne réussiront pas à trouver une perspective pour leur classe , ils ne réussiront pas à s’émanciper de l’exploitation et de l’oppression qui les condamne à la misère et demain les transformera en chair à canon, comme cela a déjà été le cas lors des guerres innombrables qui ont ensanglanté la région. Les nationalismes dont les divers Etats arabes ont abreuvé les masses pour défendre les intérêts de castes et de fractions bourgeoises alliées à tel ou tel impérialisme, sont l’autre face de la médaille, qui concorde parfaitement, si le besoin se fait sentir d’un lien social supplémentaire, avec le fondamentalisme religieux, comme l’ont démontré les Ayatollahs en Iran et le sionisme en Israël.


Les masses prolétariennes qui expriment aujourd’hui leur colère en dehors de toute instrumentalisation religieuse, ne pourront rester à la longue dans cette situation. Même lorsque les régimes bourgeois traversent une grave crise politique comme c’est le cas en Egypte et en Tunisie (et demain peut-être au Maroc, en Jordanie, en Libye ou ailleurs), l’absence du parti de classe, armé du programme communiste révolutionnaire et déterminé à préparer les prolétaires à la future révolution anticapitaliste, les masses peuvent être «neutralisées» grâce à l’action toujours efficace de la démocratie, et si nécessaire en recourant à une alternative de type islamique..


Les prolétaires ont devant eux en effet trois possibilités: retomber dans le silence comme avant la révolte, avec une certaine liberté d’expression et d’organisation permises par une nouvelle légalité imposée par de nouvelles fractions bourgeoises avec l’accord de l’impérialisme; se faire représenter par des partis de type islamique qui, par leur dénonciation de la corruption et des mauvaises moeurs, réussiraient à capter le dégoût des masses envers les dirigeants actuels; ou alors prendre la voie de l’organisation de classe, pour la défense sans compromis de leurs intérêts immédiats, avec la perspective de renverser la société bourgeoise plongée dans la mercantilisation de tous les rapports sociaux et humains existants.


Cette voie de la lutte de classe est sans aucun doute la plus difficile; elle semble la plus lointaine parce que dans la société bourgeoise la concurrence de tous contre tous pousse chaque individu à ne voir que soi, à ne penser qu’à ses besoins personnels (ou à ceux de sa famille) au détriment de ceux du voisin. Mais les prolétaires sont une classe fondée sur des rapports de production et sociaux particuliers: ils sont la classe que les capitalistes doivent exploiter pour obtenir leurs profits; c’est la condition matérielle de force de travail salariée qui fait des prolétaires une classe où les individus ont les mêmes intérêts et ressentent le besoin de s’unir pour les défendre; c’est dans cette poussée matérielle, dans ce mouvement de défense que naît la solidarité et la conscience de posséder une force qui ne se limite pas à exprimer sa colère, mais qui peut être organisée pour obtenir un avenir qui ne soit plus celui de l’exploitation éternelle par le capitalisme!


Les prolétaires européens, de leur côté, ont tout à perdre à se contenter de regarder passivement ce qui se passe sur l’autre rive de la Méditerranée; la révolte des prolétaires et des masses déshéritées du Maghreb et du Moyen-Orient les intéresse au premier chef: ce sont leurs frères de classe qui se révoltent, poussés par la faim et la misère, et si la répression triomphe une partie d’entre eux viendront chercher en Europe les possibilités de vie qu’ils n’ont plus chez eux, comme cela se passe depuis des décennies - nouvelle démonstration que la condition prolétarienne est la même partout. Le capitalisme ne pourra pas ne pas utiliser ces nouveaux arrivants pour accroître la concurrence entre travailleurs; voilà pourquoi la révolte des masses d’outre Méditerranée intéresse directement les prolétaires européens. Les prolétaires sont les seuls qui n’ont rien à craindre de ces révoltes, qui n’ont aucune raison de redouter que l’incendie social ne touche les métropoles européennes. Ce sont les seuls parce qu’ils font partie de la même classe des travailleurs salariés, exploités par des capitaux appartenant au réseaux d’intérêts qui lient les bourgeoisies les unes aux autres, et qui doit être combattu partout.


Mais pour être efficace, cette lutte doit s’affranchir des mythes d’une «démocratie» et d’un «légalisme» que tout bourgeois, tout capitaliste, sous la pression de la rue, est prêt à revendiquer contre d’autres bourgeois haïs et discrédités, quitte ensuite, le calme revenu, à les piétiner sans scrupule!


Les révoltes qui se succèdent dans les pays arabes donnent une leçon de lutte prolétarienne: la voie à suivre pour les prolétaires des deux rives de la Méditerranée comme de tous les pays du monde, est la voie de la lutte de classe, de la lutte où les prolétaires se lèvent non en défense d’une mensongère démocratie bourgeoise, mais de leurs propres intérêts de classe, qui représentent aussi l’avenir de la société humaine car ils impliquent la fin du mode de production capitaliste et donc de toutes les oppressions sociales politiques économiques et militaires qui caractérisent la société bourgeoise.

Parti Communiste International 30/1/2011

www.pcint.org


Les communistes internationalistes Klasbatalo n'ont aucun lien organisationnel avec le Parti Communiste International et ne partagent pas toutes ses positions politiques.