mardi 28 août 2012

La perspective historique du « communisme » est la clé des luttes actuelles du prolétariat


La Fraction de la Gauche communiste internationale a publié son bulletin #9 du 15/ 08/2012 Nous éditons l’article ci-dessous avec lequel nous sommes totalement en accord.

Les Communistes Internationalistes Klasbatalo
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La perspective du « communisme » est la clé des luttes actuelles du prolétariat



Contraints de mentionner la mobilisation ouvrière autour de la lutte des mineurs espagnols - ils ne pouvaient l'ignorer au risquede se déconsidérer complètement -, les médias bourgeois se sont empressés de faire à nouveau le black-out sur ce chapitre après la manifestation des mineurs à Madrid (11 juillet) mettant à profit la période d'été et les jeux olympiques. La censure que les médias internationaux exercent sur les réactions ouvrières à la crise est une illustration en creux de la menace que représente pour l'ordre capitaliste la dynamique de luttes ouvrières internationale et qui parcourt tout particulièrement l'Europe. Après la Grèce, c'est donc au tour de la péninsule ibérique, en Espagne et au Portugal, où le prolétariat est obligé d'essayer de réagir face aux conditions de vie qui lui sont maintenant imposées. Et le silence exercé par la classe dominante n'enlève rien à la réalité des multiples ripostes ouvrières de cet été.

Après la Grèce, la mobilisation ouvrière autour de la lutte des mineurs des Asturies a tendu à focaliser l'attention du prolétariat international et a représenté pour la classe ouvrière en Espagne un foyer dans lequel tous se reconnaissait. La participation massive de la population ouvrière de Madrid à la «Marche noire » des mineurs ainsi que l'accueil chaleureux qu'ils ont reçu dans tout le pays témoignent du fait que tous les ouvriers espagnols tendaient à s'identifier à ce combat et étaient conscients de la nécessité d'une riposte unie de tous les secteurs et de toutes les régions pour faire face à l'État. L'exercice d'une violence de classe pour se défendre face à la répression bourgeoise, les tentatives de paralyser le fonctionnement de l'État et de l'économie capitaliste par le barrage des transports et l'occupation des villes des bassins miniers, ont montré à tous la voie à suivre et c'est en cela que l'ensemble du prolétariat espagnol s'est reconnu dans ce combat. C'est surtout dans cette mobilisation d'un secteur « traditionnel » et « historique » de la classe ouvrière, fort de décennies de luttes que ce soit sous la République espagnole dans les années 1930 comme sous la dictature de Franco par la suite, a définitivement montré les « limites » du fameux mouvement des « indignés » et, en réalité, l'exemple-piège que celui-ci représentait pour le combat du prolétariat. Les mineurs asturiens ont rappelé à tous que le combat contre les attaques capitalistes dues à la crise n'était pas un combat de « citoyen » pour une meilleure démocratie, mais bel et bien le combat d'une classe exploitée contre une autre classe dominante et exploiteuse qu'elle soit « démocratique » ou non.
Dans ce sens, la lutte des mineurs et la mobilisation qu'elle a entraîné dans tout le pays, est un exemple à suivre, la voie à reprendre dans tous les pays.

Néanmoins, il faut aussi relever que cette mobilisation - à ce jour, les mineurs ont globalement cessé leur grève sans rien obtenir et les mesures d'austérité continuent de s'abattre sur la classe ouvrière espagnole - n'a pas débouché sur une élévation du combat de classe contre la bourgeoisie et son État au point d'ébranler ce dernier et lui faire, ne serait-ce que momentanément, retirer ses attaques économiques.

Pourquoi la colère ouvrière réelle, généralisée, la volonté de se battre, le sentiment qu'il faut y aller tous ensemble, n'ont-ils pas réussi à modifier de manière significative le rapport de forces entre les classes ? La manifestation ouvrière à Madrid, malgré son succès et le renfort de la population ouvrière de la capitale espagnole, a fini par représenter une impasse et une sorte de fin - momentanée au moins. Pourquoi ? Est-ce simplement dû au fait que les syndicats ont gardé le contrôle sur la mobilisation ouvrière, sur l'organisation de la Marche sur Madrid, sur les mots d'ordre et les revendications - souvent régionalistes et corporatistes -, au fait qu'ils ont même en partie réussi à retourner contre les ouvriers l'usage de l'auto-défense contre la répression en en faisant un mythe et une fin en soi, limitant ainsi au maximum tout risque de réelle extension et généralisation du mouvement ? Certainement, les syndicats et les forces politiques de gauche ont joué leur rôle et tout fait pour enfermer lesouvriers dans leur spécificité de « mineurs » et dans les « sauvons notre région » - et malheureusement aucun groupe communiste n'a pu, ou n'a su(Note 1), intervenir, s'opposer aux côtés des ouvriers aux impasses et sabotages syndicaux, et avancer des mots d'ordre et des perspectives d'actions alternatives. Mais ceci ne suffit pas à expliquer les limites des luttes ouvrières actuelles - car les limites de la mobilisation en Espagne sont sensiblement les mêmes que celles que le prolétariat international rencontre un peu partout.

Pourquoi le rôle des agents de la bourgeoisie en milieu ouvrier, syndicats, partis de gauche, gauchistes, et leur action ne suffisent pas pour expliquer que la classe ouvrière n'arrive pas à ce jour à porter ses luttes au niveau requis par la situation (gravité de la crise capitaliste et des attaques) ? Alors que jamais dans l'histoire du capitalisme - nous pesons nos mots -, les conditions objectives n'ont autant favorisé l'évolution du rapport de forces entre les classes en faveur du prolétariat. Jamais dans l'histoire du capitalisme, la bourgeoisie a dû attaquer le prolétariat avec une telle force - nous n'en sommes qu'au début - et de manière aussi frontale, dans tous les pays et dans tous les secteurs, au même moment, alors que l'ensemble de la classe ouvrière – bien que subissant le matraquage mensonger incessant de l'idéologie bourgeoise - n'en reste pas moins loin d'adhérer aux grands thèmes nationalistes, démocratiques, anti-terroristes, anti-fascistes ou autres de cette idéologie.

Ces attaques frontales et massives ne font que commencer et vont même redoubler, non seulement parce que la crise économique est insoluble du point de vue capitaliste mais aussi justement parce que la bourgeoisie n'a d'autre choix que de pousser à ce que l'ensemble de la société se mobilise et s'engage dans une nouvelle guerre impérialiste généralisée. Cette autre « perspective historique », celle « offerte » par la bourgeoisie, implique avant même son déclenchement de nouveaux et plus terribles sacrifices. Or, à ce jour, et contrairement à 1914 et 1939, la classe ouvrière n'est pas non plus disposée à accepter et à adhérer à cette marche à la guerre généralisé. Pourquoi, alors que jamais les conditions historiques objectives (la faillite de plus en plus évidentes du capitalisme, l'affaiblissement historique de la classe dominante...) n'ont été aussi favorables, nous le répétons, pourquoi le prolétariat est-il encore incapable de mettre à profit cette situation pour tourner la situation en sa faveur ? Pourquoi alors que ses illusions sur le capitalisme et la démocratie bourgeoise sont en train de s'effondrer sous les coups des attaques des États bourgeois ? Qu'est-ce qui manque ? De quoi souffre-t-il ?

La faiblesse essentielle du prolétariat international - les luttes ouvrières en Grèce et maintenant en Espagne le manifestent -réside pour l'essentiel au niveau de sa conscience de classe, au niveau de l'étendue et de la profondeur de celle-ci dans ses rangs.Au moment où il retrouve, dans ses masses, la conscience qu'il est une seule et même classe, il continue à souffrir de l'impacténorme et en profondeur des campagnes anti-communistes qui ont surtout fait suite à l'effondrement du stalinisme et qui s'appuient sur l'assimilation mensongère du véritable communisme à la dictature stalinienne et à l'URSS. Depuis, avec ces campagnes sans cesse assénées, la bourgeoisie fait tout pour nous faire croire que le « communisme est mort » et surtout qu'il n'y aucune alternative au capitalisme.

Un fait est significatif et va au-delà de l'anecdote : les photos de la manifestation massive à Madrid montre une floraison de drapeaux régionalistes ou syndicaux mais pratiquement pas de drapeaux rouges - quelqu'en soit l'utilisation par les gauchistes. Cela est une illustration particulière du fait que la conscience, aussi diffuse et confuse puisse-t-elle être dans les rangs ouvriers, qu'une autre société est possible et qu'il faut donc détruire le capitalisme, est particulièrement réduite et en grande partie absente des mobilisations ouvrières. Cela a obligatoirement un impact négatif sur le développement (en extension, en unité et en profondeur) des combats ouvriers d'aujourd'hui. Sans cette perspective historique plus ou moins claire et présente dans la classe, la lutte du prolétariat ne peut se hisser à la hauteur que la situation exige d'elle. Sans perspective historique, elle est gravement affaiblie jusqu'au niveau même de ses luttes immédiates qui ont peu de chances de faire reculer la bourgeoisie, surtout aujourd'hui que le système capitaliste est en faillite. Car la nécessité de paralyser la bourgeoisie et son pouvoir d'État, c'est-à-dire de l'affronter politiquement et de lui disputer son pouvoir, perd de son fondement sans la conscience que le prolétariat est une classe destinée à renverser le capitalisme et à instaurer par l'exercice de son propre pouvoir la disparition des classes et l'avénement du communisme.

C'est toute la difficulté des combats de classe d'aujourd'hui et leur limite. Cette faiblesse s'exprime aussi clairement au niveau de son avant-garde politique et s'illustre particulièrement sur l'absence d'influence qu'exercent les minorités communistes existantes.
Certes, par définition, les groupes et organisations qui se réclament du communisme, se déterminent par rapport à cette perspective. Néanmoins, ils ont aussi souffert des campagnes anti-communistes post-1989. En particulier, l'opportunisme politique a exercé des ravages en leur sein comme le montre amplement, par exemple, la dérive politique catastrophique du CCI (Note 2)qui s'est ouvertement manifestée à partir de 2001. Le sectarisme qui, par ailleurs, continue à toucher les groupes existant et leur difficulté à assumer les tâches de confrontations et de débats politiques en vue de favoriser l'indispensable regroupement des forces en est une autre manifestation.

En ce sens, le fait que nombre d'éléments et cercles, souvent issus... du CCI, se fassent le relais des campagnes anti-communistes de la bourgeoisie en ajoutant leur pierre et leur « supposée » autorité en la matière pour avoir milité dans les rangs de la Gauche communiste durant des décennies, vient aussi participer d'affaiblir directement le camp communiste et ses organisations.

Tout ceci fait que les grandes masses prolétariennes, avec le soutien déterminé de leurs minorités les plus conscientes et les plus combatives que sont les groupes politiques communistes, se doivent de retrouver la perspective de la révolution prolétarienne et du communisme. Ce chemin passe par le retour aux générations ouvrières et communistes du passé ; pour l'ensemble du prolétariat international, par reprendre le chemin des combats ouvriers libérés des mensonges et des illusions démocratiques ; pour les minorités communistes organisées, outre leur intervention décidée dans les luttes ouvrières auxquelles elles peuvent participer, par la défense des expériences ouvrières du passé, et tout spécialement de la Révolution russe de 1917, de l'insurrection ouvrière, de l'exercice de la dictature prolétarienne ; et du parti bolchevique de Lénine que le bourgeoisie s'évertue à salir. Pour les grandes masses ouvrières, le retour dans les consciences de la perspective révolutionnaire armera et rendra plus efficace les combats immédiats lesquels, en retour, préciseront et renforceront de plus en plus cette perspective. De possible, ces combats feront d'elle une nécessité matérielle. Pour l'avant-garde politique, défendre le « programme communiste » au sein de la classe, c'est mettre en avant l'héritage du passé, c'est renouer les fils avec les générations précédentes de révolutionnaires. Cela favorisera leur confiance et leur détermination dans leur rôle dirigeant et dynamique d'avant-garde politique et ainsi ira dans lesens de leur rendre l'influence sur les grandes masses ouvrières qu'il leur revient.

« Il n'y a qu'une seule lutte de classe, visant à la fois à limiter les effets de l'exploitation capitaliste et à supprimer cette exploitation en même temps que la société bourgeoise » (Rosa Luxemburg, Grève de masses, parti et syndicats, 1906).

Août 2012.

Note 1 .L'intervention du CCI a brillé par son absence dans un premier temps, puis, après bien du retard, par son contenu digne de l'idéologie « indignée » etanarchisante du « il faut se changer soi-même » ! Voir l’encadré.
Note 2 Nous renvoyons le lecteur aux sommaires de nos bulletins et de ceux de l'ex-Fraction interne du CCI pour l'étude de cette dérive opportuniste catastrophique de cette organisation qui fut nôtre (www.fractioncommuniste.org).

jeudi 23 août 2012

« Mouvement Étudiant Révolutionnaire » : Mouvement petit-bourgeois réformiste


Cet article provient du supplément Québec au journal Le prolétaire d’août 2012, organe du Parti Communiste International.
Même si nous n’avons pas de liens et ne partageons pas toutes les positions politiques du Parti Communiste International, nous sommes totalement en accord avec le contenu de cet article.

Les Communistes Internationalistes-Klasbatalo ( CIK)
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Les maoïstes du Mouvement Étudiant Révolutionnaire (MER) aiment bien se présenter comme l’avant-garde révolutionnaire du mouvement étudiant; à l’issue de la mobilisation de ces derniers mois ils ont publié 5 « hypothèses » censées en tirer les leçons et les perspectives qu’elle ouvre pour « l’avenir des luttes de classes au Québec »(Note).

S’il le fallait, ce texte donne une nouvelle démonstration de la nature politiquement petite-bourgeoise de nos maoïstes. En effet la lutte des classes est évoquée dans la question disparaît dans les hypothèses, où l’on ne parle jamais de classe ouvrière ou de prolétariat; à sa place nous n’avons que le « peuple », les masses populaires ».

Prenant ses vessies pour des lanternes, le MER affirme que les derniers mois ont constitué « un inestimable acquis pour les masses populaires en termes d’expérience de lutte. La pratique politique des masses vient de connaître un bond prodigieux et accéléré. Les structures sociales et politiques n’ont pas bougé – pas encore –, mais le peuple, lui, en revanche, s’en trouve profondément marqué et transformé ». La mobilisation autour des luttes étudiantes et contre les mesures répressives du gouvernement ont été sans aucun doute d’une ampleur inédite, et cela s’explique par l’ampleur du malaise social, par la maturation des tensions entre les classes.

Mais pour les marxistes, ce qui ressort d’une analyse de la situation actuelle, ce n’est pas que la «pratique politique des masses» - concept cher à l’interclassisme maoïste – aurait connu un «bond prodigieux» avec les grandes manifestations pacifiques et démocratiques ; mais c’est l’énorme difficulté que connaît toujours la classe ouvrière à se mobiliser contre son adversaire de classe, c’est la faiblesse persistance des prolétaires à manifester leur solidarité avec leurs frères de classe en lutte contre les patrons : bref, c’est l’absence (d’ailleurs reconnue en passant et de façon désinvolte par le MER) encore aujourd’hui de la lutte prolétarienne de classe.

Et cette absence laisse toute latitude aux confusionnistes politiques comme le MER pour entraîner les prolétaires qui se mobilisent spontanément et individuellement, dans les impasses mortelles de l’interclassisme et du démocratisme réformistes. Le MER laisse entendre que «les structures sociales et politiquepourraient «bouger» à la suite des mobilisations en cours : il y aurait en effet un «important affaiblissement des institutions de pouvoir et des figures d’autorité de la bourgeoisie : le gouvernement, le parlement, les tribunaux, la police, les grands médias». On croît rêver : la police est-elle affaiblie ? Le parlement et tout le système électoral, l’idéologie et la praxis démocratiques bourgeoises ont-ils perdu leur influence ? L’État bougeois a-t-il le moins du monde été ébranlé ? Il n’en est évidemment rien !

Si le MER raconte de telles sottises, c’est qu’il veut faire passer la perte de popularité du gouvernement Charest pour un affaiblissement de la domination de classe de la bourgeoisie. La conclusion est logique : si le gouvernement est battu lors des prochaines élections, c’est la bourgeoisie qui sera battue ! Le MER a beau écrire que les élections sont une «mascarade pseudo-démocratique», il affirme cependant que «ces élections (…) seront l’occasion privilégiée de porter un coup supplémentaire ( !) aux institutions et à l’ordre bourgeois».

Les élections ne sont et ne seront jamais rien de tel. Non pas parce qu’elles ne seraient pas assez, ou pas vraiment démocratiques, mais parce que le mensonge démocratique sert précisément à renforcer l’ordre bourgeois en constituant l’antidote à la lutte de classe : voter est l’alternative que présente le système démocratique à l’entrée en lutte contre le système capitaliste. Il suffirait de changer par le vote les politiciens au pouvoir pour qu’il n’y ait plus «de parti pris du gouvernement pour la bourgeoisie», pour que les institutions se mettent à «bouger» en faveur des opprimés.

En réalité, on ne peut pas faire «bouger» ni «porter des coups» - et encore moins renverser – les «institutions de pouvoir» (i.e. l’État) bourgeois par des mobilisations pacifiques même imposantes, ni par des bulletins de vote comme veulent le faire croire tous les démocrates, mais seulement par la lutte révolutionnaire, par l’insurrection armée ! L’État bourgeois est l’appareil de la domination de classe de la bourgeoisie, qui ne peut pas changer de nature par des réformes graduelles, mais qui doit être renversé et brisé par la révolution  pour céder la place à l’appareil de domination du prolétariat indispensable pour déraciner le capitalisme.

Mais cette fable est utile au MER pour qu’il puisse présenter, à l’occasion des prochaines élections, son utopie réformiste d’un «projet d’un véritable pouvoir populaire».

À cette fumeuse perspective, le marxisme a opposé depuis qu’il existe la seule solution révolutionnaire : la constitution du prolétariat en classe donc en parti, sa constitution en classe dominante par la prise du pouvoir et l’extension de la révolution à tous les pays !



Note :Toutes les citations qui suivent sont tirées de : « Les fruits du primtemps 2012 : 5 hypothèses sur la crise sociale au Québec » cf http://www.mer-pcr.com/2012/06/les-fruits-du-printemps-2012-5.html