mardi 22 juin 2010

Comité de mobilisation de travailleurs et de travailleuses d’un hôpital

Nous publions de larges extraits de différents textes d’un comité de mobilisation de travailleurs et de travailleuses d’un hôpital de la région de Montréal (Note). Même s’ils ont encore quelques illusions vis-à-vis du syndicat (Ils en ont payé le prix d’ailleurs comme nous le verront plus bas), ces travailleurs et travailleuses ont décidé de former un comité de mobilisation s'adressant à l'ensemble des prolétaires à l'intérieur de l’hôpital en allant au-delà des divisions syndicales. Leur action vise d'abord à créer un espace où discuter de leurs conditions de travail. La politique de terrain, ou, en d'autres termes, l’organisation politique des travailleurs eux-mêmes dans leur milieu, rend possible, selon eux une prise de conscience collective de leurs conditions et des possibilités qu’ils aient de les modifier.

Dans un tract diffusé le 1er mai sur leur lieu de travail ils décrivent bien l’état d’esclavage salarié qui est le leur :

« …En effet, une vision globale des offres patronales indique clairement une diminution de la qualité de vie des employés du système de santé public. En réalité, l’employé de l’État ne devient ni plus ni moins qu’un prisonnier du système, puisqu’un horaire de travail normal sera de sept jours par semaine au lieu de cinq et de douze heures par jour au lieu de huit. De plus, l’employeur peut établir un étalement des heures sur une base trimestrielle plutôt qu'hebdomadaire, ce qui veut dire qu’un employé pourrait se trouver à travailler 20 heures la première semaine, 15 la seconde, 45 la troisième et ainsi de suite. La comptabilisation des heures sera effectuée au bout de trois mois et une compensation sera peut être offerte à l’employé s’il y a surplus d’heures. Les gestionnaires des établissements de santé peuvent aussi décider de payer les congés fériés au lieu de les accorder s’ils croient ne pas pouvoir remplacer le travailleur. Et tout ceci sans compter que le gouvernement désire aussi réduire les journées de maladie…

…Il ne fait aucun doute que l’application de ces offres patronales, comme la disparition des primes de TS, vont augmenter la pénurie et précipiter bon nombre de travailleurs de la santé dans le secteur privé. À long terme, le gouvernement s’assure donc de mettre le système public assez à genoux pour justifier le passage à une gestion privée. Car si le gouvernement admet que le recours aux agences privées dans le domaine de la santé est un problème, il refuse toutefois de prendre la moindre mesure légale pour réduire leur utilisation. Pire, au lieu de tenter de rendre les conditions des travailleurs de la santé compétitives pour favoriser la rétention de personnel dans le public, il s’emploie à augmenter tous les problèmes déjà présents dans nos milieux de travail…

Et ils concluent leur tract de façon mobilisatrice en s’adressant à l’ensemble des travailleurs et travailleuses de l’hôpital:

«… Nous savons que rester passifs en ce moment, c’est accepter une dégradation continuelle de nos conditions de travail et la fin de l’universalité de notre système de santé. Pour ceux et celles qui se sont battus dans les dernières décennies pour un système de santé public et des conditions de travail tolérables, ainsi que pour les futures générations d'infirmières, il est de notre responsabilité de réagir.

Prenons les moyens nécessaires pour gagner : personne ne nous mènera quelque part sauf nous tous. Notre solidarité démontrera notre force. C’est mathématique, 50 000 personnes seront toujours plus fortes que quelques dirigeants…

…C’est pourquoi nous vous invitons à vous rassembler ici, à l’intérieur de l’hôpital de Verdun, toutes catégories d’emploi confondues. »

Leur première réunion ouverte à tous, (ils ont même invité les représentants des différents syndicats FIQ et CSN) a été perturbé par la présence de ces derniers et lors de la deuxième rencontre et par après ils ont pu constater que les ressources humaines de l’hôpital et les syndicats locaux s'entendaient bien pour ne pas tolérer d'initiative politique de la part des travailleurs en allant jusqu’à les menacer d’envoyer la sécurité pour saborder les réunions futures. Ils dénoncent aussi le manque de démocratie lors des assemblées syndicales.

Voici des extraits d’une lettre ouverte adressée aux syndicaux locaux FIQ et CSN suite à leur opposition à la création d’un comité de travailleurs.

« Le 24 mai, la première réunion du comité de mobilisation s'est tenue dans la salle de repos au sous-sol. Quelques employés de l'entretien sont présents pour cette rencontre initiale. Lors de notre mobilisation et durant cette réunion, plusieurs travailleurs ont manifesté qu'une telle initiative répondait à un réel besoin et ont montré de l'enthousiasme à ce que «quelque chose» se passe enfin, peu importe qu’il soit amorcé par le syndicat ou par des collègues. Cependant, l'ambiance change lors de l'arrivée des représentants syndicaux. Nous tenons particulièrement à déplorer l'attitude d'intimidation manifestée par 3 représentants de la CSN, dont Guignard Elina et Denise Provost, qui ont refusé de s'asseoir même après que nous leur en avions explicitement fait la demande, en spécifiant que nous trouvions intimidant qu'ils soient debout alors que tous les travailleurs étaient assis. Ils ont de plus ignoré les tours de parole, interrompant les autres ou chuchotant entre eux pendant que d'autres parlaient. Peu importe leurs arguments contre ce comité de mobilisation, ce manque de respect n'a pas sa place dans un débat politique.

La réunion du 24 mai s'est résumée à une réponse aux critiques des représentants syndicaux sur notre ordre du jour qu'ils ont interprété comme une tentative d'imposer des moyens de pression. À ce sujet, ils ont affirmé que des employés revendicateurs qui agiraient selon une décision du comité de mobilisation ne pourraient pas bénéficier de leur protection syndicale. En fait, plusieurs points à l'ordre du jour, tel que celui sur le front commun, avaient comme but premier d'informer les gens, par exemple sur le déroulement des négociations et de favoriser la réflexion collective à ce sujet. Enfin, le syndicat affirme qu'en tant que seul représentant légal des employés, il est le seul à pouvoir initier une réflexion sur les conditions de travail.

Pour un retour à une démocratie participative

L'objectif du comité de mobilisation était purement l'inverse de l'imposition de moyens de pression. Nous voulions offrir un espace de dialogue entre travailleurs afin de débattre de propositions sur les façons de rendre notre travail moins pénible. Lors des dernières assemblées syndicales spéciales FIQ, les idées originales et les critiques des travailleurs n'ont eu aucun impact sur la formule déjà toute faite de moyens de pression que nous devions accepter ou refuser, mais visiblement pas modifier…

…le 25 mai, le responsable des relations de travail des ressources humaines contacte Ariane Bouchard pour lui dire que les réunions entre employés à l'intérieur de l'hôpital sont illégales et que seul le syndicat peut représenter les employés auprès des patrons. Monsieur Poirier, des ressources humaines, tient à défendre la légitimité du syndicat et évoque même la loi sur le maraudage syndical. Il n'hésite pas à ajouter qu'en cas de réunion, la sécurité expulsera les travailleurs présents.

Force est de constater que les ressources humaines et nos syndicats locaux s'entendent sur les raisons de ne pas tolérer d'initiative politique de la part des travailleurs….

…À la suite des discussions avec bon nombre de travailleurs, nous ne pouvons que faire le constat suivant : il existe une déception généralisée face au travail du syndicat, voire une perte totale de confiance dans certains cas…

un premier pas à franchir est de rétablir l’espace du lieu de travail comme endroit où il est possible de parler de nos conditions, où l’information circule autrement que sur papier, où la réflexion peut se faire collectivement à tout moment et non pas exclusivement pendant les assemblées syndicales. À noter : lors de nos différentes tournées des unités, personne, même dans un contexte global de surcharge de travail, n’a refusé de discuter avec nous. Au contraire, plusieurs ont salué notre initiative et nous ont encouragé à continuer même sans l'appui du syndicat. »

Malgré ces menaces ils maintiennent leur objectif de base de politiser leur lieu de travail et d'encourager la réflexion critique et collective sur les enjeux du système de santé. Ils continueront dans cette voie, avec ou sans le syndicat, tant que les travailleurs seront en accord avec leur démarche.

Dans toute lutte ouvrière, la mise en place de tels comités de mobilisation est un des éléments importants qui peut empêcher le sabotage syndical. Dans le contexte actuel de crise économique, seule une riposte massive internationale des prolétaires pourra faire reculer non seulement l’État québécois mais tous les États. Les mesures du budget Charest ne sont pas uniques, elles sont communes à un très grand nombre d’États.

La solidarité entre les travailleurs et travailleuses pour contrer les divisions syndicales dans un même lieu de travail est un premier pas mais cette lutte doit s’élargir à l’ensemble des travailleurs du secteur public et du privé.

L'ensemble de la classe capitaliste internationale se doit de faire payer sa crise au prolétariat, dans tous les secteurs, publics et privés, actifs, chômeurs et retraités, et dans tous les pays, sur tous les continents, de la périphérie du capitalisme jusqu'en son centre. Aucun d'entre nous n'y échappera. N'ayons aucune illusion ! Partout, aujourd’hui les prolétaires doivent refuser les sacrifices énormes que leur impose la bourgeoisie pour que, demain, ils aient la force de supprimer cette classe et son système barbare.

Les Communistes Internationalistes de Montréal Le 18 juin 2010.


Note : Nous vous invitons à consulter leur blog : http://mobilisationverdun.blogspot.com/

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